L’abbaye cistercienne de Moulins Warnant Partie 2
Partie 1 Partie 2
4. Les fiefs de l’abbaye et la seigneurie Les fiefs La substitution des moines aux moniales s’étant opérée en 1414 alors que Guillaume II était le 21e comte de Namur (1391-1418), celui-ci voulut doter la nouvelle communauté d’un domaine plus étendu, en lui léguant le fief de Moulins. Un document retranscrit d’après un très ancien registre dont quelques feuillets ont été endommagés par le temps (AEN - Arch. eccl. 3154), nous donne des indications sur la consistance de ce fief. Guillaume, comte de Namur, avait acquis en 1415 de Lambert le Sage, les biens que Bodechon de Hongniselle et Waulthier de Wallesin avaient possédés à Moulins. Le comte « les donna et aulmona à l’église de Molins pour dire et célébrer à toujours pour les âmes de lui et Madame sa femme, la messe de la Sainte Trinité ». Le document poursuit en énumérant les biens composant le fief. Bien que les dénominations des lieux ne soient plus connues de nos jours, on peut néanmoins se faire une idée de la localisation générale du fief de Moulins. Les prés du fief « Le tour, maison et aultres manoire, pourprise, jardins et tenures de Mollin, allant tout seloncq le rieu de Floion, d’aultre costé tout seloncq le tienne jusqu'à Mouze contenant environ 2 bonniers ». Il est évident qu’il s’agit d’un terrain le long de la Molignée allant jusqu'à la Meuse. De même, un pré « en prale sur Mouze joindant au pré du Comte et Aburchin de Hun, environ 5 joumals ». Il s’agit de prés au lieu-dit « Es Praule » longeant la Meuse en face d’Yvoir. De même « en arrivant devant la porte de Labié joindant au bois de Rouvroy et au chemin qui maintenant est quaire car il solait entre seloncq Labié et maintenant est seloncq le bois environ de 5 joumals ». Le pré concerné se trouve entre l’abbaye et le bois de Moulins. Les autres prés de la donation sont souvent définis par rapport aux propriétaires voisins dont on cite les noms : Jehan de Chestrevaing, Jaquem Bachar, Gilles Collinet, Jehan de Hongrie, Demoisellle Marie aux Chandelles, etc. Il est donc impossible de situer les parcelles. La superficie des prés de la donation est d’environ 10 bonniers. Après les prairies viennent les bois et haies du fief ainsi que les terres. La plupart également son définis par rapport aux voisins, cependant on retrouve des noms d’endroits encore connus : fond de Lonnoy, Ohey, le doux Tienne, la campagne d’Anhée, Heneumont, la Bossière. Tous ces bois et terrains font ensemble quelque 78 bonniers. L’énumération se poursuit par les rentes dues en chapons, pouilles et cens en argent, hypothéqués sur des maisons à Anhée ou à Moulins. Enfin, elle se termine par des cortils à Anhée. (51) L’ensemble des prés, terrains et maisons du fief de Moulins semble correspondre dans les grandes lignes au domaine qu’exploitaient les deux censes de Moulins. Le transfert du fief à l’abbaye fut effectué par le comte Guillaume II en 1418, année de son décès. Un autre apport important se réalise en 1433 par l’acquisition en pure aumône, du fief de Pont. Le répertoire de tous les papiers de l’abbaye contient les premières indications connues à propos de ce fief. 1379 : Hubechon, fils de Huart de Pont transporte à Jean Gossuwin, tous ses fiefs consistant en manoirs (maisons), tenures, terres, prés et bois gisant à Pont, moyennant reconnaissance de 14 muids d’épeautre de rente. 1415 : Jean Lambert Gossuwin, fils de Collart, fait donation à sa nièce de « la maison et bouverie de Pont ». 1433 : Donation du fief de Pont à l’abbaye de Moulins. « Jehan Sauvage en regard de piteit en considération des affaires de ladite abbaye qui de première fondation est petitement rentée et par les guerres du pays seloncq sa faculté a esteit diminuée et fort adamaigée, pour le salut aussi des âmes de lui et de ladite demoiselle Catherine sa femme et de leurs prédécesseurs ... ». (52) Jean Sauvage donne donc en pure aumône à l’abbaye, la possession de tous les héritages et appendices qu’il a gisant à Pont. Le 8 mai 1433, Philippe duc de Bourgogne approuve la donation et accorde à l’abbaye le privilège de ne payer que 7 florins 10 sols pour le relief du fief à la Cour de Montaigle. Un dénombrement du fief est fait la même année. Le document débute par un court préambule retraçant brièvement l’origine du bien. (53) « Le fief du Pont aulmoné par Sauvage bourgeois de Dinant, mari à demoiselle Catherine Gossuin, fille de Jehan Gossuin de Bouvignes, fils à Collait Gossuin lequel Collait l’avait jadis acheté à un nommé Huart du Pont ». Comme pour le fief de Moulins, la spécification des terres est faite par rapport à des lieux-dits, de nos jours souvent inconnus, ou bien par rapport à des propriétaires voisins a fortiori encore plus indéterminés. La première inscription est révélatrice : « Pour le pourprise et tenure où des maisonages estaient scitués au riz et distrués à la gheure (à la guerre) : 1 bonnier et demi. De toute évidence, il s’agit du lieu où s’élèvera la papeterie, c’est-à-dire le domaine du Varroy. La liste des terrains fait parfois référence à des endroits encore connus : Fauvère (Favard) : terre devant la papeterie; le bois joindant au chemin de Bioux, les longues royes : actuellement en contrebas du chemin de Bioul; terres sur Homin (Warnant); le pré de Valroy : probablement Varroy; Vaul : terres entre le domaine de l’abbaye et le Varroy; Floie. La superficie totale du fief en terres, prés et bois était de 30 bonniers. Actuellement, nous pourrions situer ce fief comme étant à cheval sur la Molignée, entre le bois de Creute, le Varroy et les longues royes sur le territoire de Warnant. (54) Le fief de Pont connut un bel avenir industriel. En 1604, le monastère mit en accense héritable (location) une partie du bien au profit d’Antoine le Blanq, qui y construisit une forge dénommée forge Hélène. Celle-ci fut saisie en 1648 par la Cour féodale de Beauraing probablement pour défaut de paiement de rente. C’est sur le même fief que les religieux de Moulins établirent leur papeterie qui dès lors fut appelée le Moulin (à papier) de Pont. Nous y reviendrons dans un autre chapitre. La notion de fief ne se limitait pas aux seuls terrains mais pouvait consister aussi en avantages en grain comme à Dumal où l’abbaye percevait 4 muids d’épeautre. L’existence d’un fief allait de pair avec le relief, par lequel le bénéficiaire du fief faisait allégeance vis-à-vis de l’autorité comtale ou seigneuriale dont il dépendait. Le relief s’accompagnait du paiement d’un droit à chaque changement de vassal. Pour l’abbaye de Moulins, cela se faisait à chaque changement d’abbé. La complexité des dépendances féodales était telle qu’un même fief pouvait dépendre de deux autorités suzeraines. Un exemple précisément en est fourni par le fief de Pont qui relevait et de la Cour de Montaigle et du duc de Beaufort Spontin en sa Cour féodale de Beauraing. Le 3 juin 1789, le bailli du comte de Beauraing ayant appris la suppression récente de l’abbaye, s’adresse à l’administrateur des biens pour lui réclamer les droits de relief puisque le fief de Pont était, selon lui, passé dans le domaine de Sa Majesté. Le bailli fait remarquer que depuis 1534, les abbés successifs en ont fait le relief de main à bouche. (55) On peut lire en effet dans les archives de l’abbaye qu’en 1602, ont eu lieu le dénombrement et le relief du fief nommé Livraux Pont, mouvant de la Cour de Beauraing. (56) D’après le bailli de cette Cour, le fief consistait en : 2 bonniers de terres nommés Lire Au Pont proche du moulin (à papier). 1 bonnier de terre au moulin dudit Pont joignant le rieu de Floyon (Molignée). 2 bonniers et demi de bois en bas dudit Pont jusqu’aux aisances de Warnant. (AEN - États de Namur - 946) Remarquons d'une façon générale que les délimitations de fiefs étaient à ce point incertaines qu'en ce qui concerne les fiefs de Pont et de la Tour à Moulins, les parties en étaient englobées confusément dans les terrains cultivés par la grande et la petite ferme de Moulins et « qu'on ne saurait déterminer leur contenance ». La seigneurie de Moulins Au cours du XVIIe siècle, les souverains espagnols eurent de plus en plus tendance à détacher de leur domaine de petits territoires dont ils confièrent la juridiction à des personnes pouvant en acheter les droits. Ces ventes de seigneuries s'organisaient généralement par une mise aux enchères. La cession se faisait les plus souvent sous forme d'engagère, c'est-à-dire à titre provisoire avec faculté de rachat aux conditions de la vente. Cette façon de procéder assurait au Trésor royal d'appréciables rentrées financières  Ceux qui   achetaient les seigneuries, comprenons par là, les droits seigneuriaux, devaient faire relief vis-à- vis de l'autorité royale, c'est-à-dire prêter serment d'allégeance et de fidélité. En ce qui concerne Moulins, cette obligation se faisait devant le bailli de Montaigle pour les fiefs, au Souverain Bailliage de Namur pour la seigneurie. La première seigneurie de Moulins fut créée en 1622 et vendue en engagère pour 3.000 livres à Philibert Tournon alors maître des forges qu'il avait érigées sur un terrain cédé par l'abbaye en 1603 et qui comprenait la place de l'ancien moulin appelé le moulin des Preitz et le pré al Thour, d'où le nom souvent employé de « fief de la Thour à Moulins » pour désigner ce territoire. La seigneurie comprenait Ohet, forge à Moulins, cense de Heneumont, maison de Pierres et Corbais. Au décès de Philibert Tournon, cette seigneurie fut relevée par ses deux fils. (57) En 1648, le Souverain rachète la seigneurie pour la remettre aux enchères. Le 10 mai, elle est acquise en engagère par les religieux de Moulins, derniers enchérisseurs. Ils la détiendront jusqu'à la suppression de l'abbaye en 1787, le relief se faisant à chaque changement d'abbé. Une fois la seigneurie acquise, il fallait déterminer les limites dans lesquelles s'exercerait la juridiction du seigneur. Cela se faisait par un cerclemenage ou bornage auquel participaient un magistrat superviseur, des représentants du seigneur du lieu et des juridictions voisines, un greffier et quelques anciens habitants dont l'avis était sollicité lorsque s'élevaient des contestations sur les limites. La commission ainsi composée effectuait le tour complet de la seigneurie, allant d'un point de repère à un autre, points qui n'étaient souvent que des éléments naturels : arbres remarquables, haies, buissons, rochers d'où cette impression de flou à la lecture d'un procès-verbal de bornage. Le cerclemenage de la seigneurie de Moulins eut lieu le 15 juin 1648 devant Jean Waulthier receveur des domaines du Roy es quartiers de Bouvignes, Poilvache et Montaigle, devant Jacques du Bois licencié es droits et échevin de la Cour de la Thour à Moulins. À la lecture du document de bornage, il est bien difficile de se faire une idée précise des limites de la seigneurie puisque, continuellement, on fait référence à des repères identifiables à l'époque, mais qui sont actuellement inconnus. La transcription du début de la déclaration des limites en convaincra aisément. « Premièrement lesdites limites commencent au bout des terres d'Ohey voisines au bois du monastère de Moulins et de là vont à une petite haie appartenante au Conseiller Lardinois dite du paischis, puis embrassant la prairie dudit Ohey et ses appendices, passent proches d'un goleau descendant de la fontaine de Haux » La description des limites est exprimée en une seule phrase, pratiquement sans ponctuation et s'étend sur quatre pages. On va ainsi d'une haie, à des chênes remarquables, à un rocher assez notable, à des biens appartenant à des personnes dont le souvenir s'est perdu. Seuls quelques noms évoquant des réalités d'aujourd'hui, permettent de tracer les contours de cette seigneurie et du périple accompli par ceux qui en ont fixé les limites. Ils sont partis du grand bois de Moulins, ont contourné Ohet et la Creute, ils ont franchi le Floyon (Molignée), se sont dirigés vers la maison de Pierres en laissant Wamant à leur gauche, ils sont montés vers Corbais, ont suivi la ligne des crêtes, pour redescendre vers Praule en face du ruisseau d’Yvoir (le Bocq) puis ils ont remonté le cours de la Meuse pour revenir au grand champ de Moulins et rejoindre leur point de départ. (58) Le territoire sous la juridiction de la seigneurie de Moulins s’étendait approximativement sur 3,5 km dans le sens Est-Ouest et sur 2,5 km dans le sens Nord-Sud, soit une superficie de 870 hectares environ. Dans le préambule au cerclemenage, il est spécifié qu’il est « fait commandement aux manants et habitants desdits lieux et tous autres auxquels ce toucher pourrait, de désormais tenir et respecter lesdits Révérends abbé et religieux (de Moulins) pour Seigneurs desdits lieux ». Ajoutons enfin que la seigneurie de Moulins est « mouvante » du Souverain Bailliage de Sa Majesté en son Comté de Namur. Les reliefs à chaque changement d’abbé, se feront donc devant le Souverain Bailliage. Le 28 février 1749, Bruno Valiez, dernier abbé, fait relief par devant le prince de Gavre, gouverneur du Comté de Namur, du fief de la seigneurie de Moulins avec appendices et dépendances, mouvant en fief du Chastel de la ville de Namur, suite au décès de son prédécesseur Pierre Denys, suivant la formule du serment : « Vous promettez d’être fidèle à Sa Majesté la Reine comme comtesse de Namur que quand vous saurez le bien ou le mal de cette province, vous en avertirez Mr. Le gouverneur ou son lieutenant, que toutes les fois que vous serez mandé en justice, vous y comparaîtrez, et que vous ne disputerez en première instance du fief que vous relevez que par-devant le Souverain Bailliage. Vous l’avez juré ». (59) Les religieux de Moulins n’ont détenu la seigneurie que sous forme d’engagère. Cependant ils ont tenté de l’obtenir à titre définitif. Un document de 1671, signé par le prieur et huit religieux, indique qu’ils sont d’accord pour que l’on hausse à la somme de 1.200 florins pour « l’achat absolu et pour toujours de la seigneurie de la Tour à Moulins ». Ils permettent aussi que l’on hausse à 500 florins, à l’effet de demeurer en la jouissance de la même engagère au cas que quelqu’un voudrait enchérir sur icelle ». (60) Dans un autre document du XVIIIe siècle intitulé « Réflexions proposées à Sa Majesté par l’abbé de Moulins au sujet de l’achat de la seigneurie dudit Moulins », on peut lire : « Les autres seigneuries circonvoisines qui estoient de la convenance des particuliers ont été vendues par les prédécesseurs de Sa Majesté, comme celle du Village de Montaigle à N. Polchet, celle de Maharenne à N. Tamison, celle de Hun au Baron de Celles, celle de Hontoir au Baron de Roost, celle de Moulins à l’abbaye de ce nom à titre de ladite engagère, laquelle aurait acheté les seigneuries desdits cinq hameaux lorsqu’elles ont estez exposées à l’enchère, si elle avait esté pour lors en estât d’en fournir le prix d’achat ». En conséquence, l’abbé demande de transporter, pour 4.000 florins, la seigneurie de Moulins et d’y annexer Montaigle, Maharenne, Hun, Hontoir et de céder la pêche sur le ruisseau (Molignée). (61) Cette requête est restée sans suite. La seigneurie de Salet Cette seigneurie constitue un cas particulier. Les abbés de Moulins se prétendaient seigneurs fonciers de Salet et ils ont joui à ce titre, du droit d’y avoir une cour foncière, d’y établir le mayeur et les échevins, d’y tenir les plaids généraux, de percevoir le dixième de la vente des biens-fonds dans la juridiction. (62) Ce droit était confirmé par un acte notarié de 1465. Il y est écrit que les seigneurs abbés et couvent de Moulins ont une seigneurie nommée Salet en laquelle ils ont une cour basse jugeant des biens-fonds suivant la loi de Liège. Le document fixe ensuite les limites de la seigneurie : en partant des argileries de Salet, la limite suit le chemin de Rouillon jusqu’au fond de Huveterre (sans doute le ravin qui borne Salet au nord et descend vers le Floyon), longe ensuite ce ruisseau jusqu’au ravin d’Icevaux, se dirige vers Villocqueroux, puis le long de la route de Bioul jusqu’au bois de Ronquière, enfin rejoint l’argilerie. (63) Les noms des lieux-dits ont changé, néanmoins il est aisé de voir que les limites anciennes sont proches de celles qui bornaient la commune de Warnant autour de Salet. (63) Si l’on consulte les Échevinages de la Cour de la Tour à Moulins, on lit que Dom Bruno Valiez, abbé et seigneur de Moulins, Ohet et Salet dorme, en 1749, une patente à Henri Binamé d’Évrehailles en qualité de greffier de cette cour. On lit encore que Fr A. Béguin censier de Salet, est admis en 1763, comme échevin des cours de Moulins, Ohet et Salet et a prêté serment en mains de Jean Pirot, mayeur desdites cours. (64) Sans tenir compte des droits anciens, le pouvoir impérial engage en 1778, la seigneurie de Salet au vicomte de Propper de Hun avec haute, moyenne et basse justice. Celui-ci a prétendu que l’engagère lui cédée, a éteint la seigneurie foncière que réclamaient les religieux. A ce sujet, en 1780, le vicomte de Propper a fait une représentation au Conseil des Finances. Il conteste le record (mémoire) de la justice de Salet, du 7 septembre 1485, suivant lequel les amendes encourues dans la seigneurie appartiennent à l’abbé de Moulins. Il conteste également une sentence du Souverain Bailliage en date du 29 juin 1528, suivant laquelle la cour et la seigneurie foncières appartiennent aux religieux. Ces faits sont rapportés par l’administrateur des biens de l’abbaye en 1785, ce qui montre que tant d’années après, le litige n’est toujours pas réglé. (65) Le registre des possessions de l’abbaye énumère les droits qui s’attachaient à la possession d’une seigneurie comme celle de Moulins. Ce sont : les droits de haute, moyenne et basse justice dans l’étendue de la juridiction. Ils s’appliquent respectivement aux crimes, aux délits et aux simples amendes. les droits de lots et ventes consistant à percevoir le dixième denier de tous les biens-fonds et rentes qui se vendent. Cela revient à percevoir 10 % sur toutes les transactions immobilières. le droit de taille de crama qui consiste à percevoir annuellement de chaque laboureur, sur sa maison, deux setiers d’avoine et en argent 14 sols 3 deniers, de percevoir sur chaque manoeuvrier deux setiers d’avoine et 2 sols. Les veuves paient la moitié de ces impositions. Quant aux ferons ou ouvriers de la métallurgie, ils sont exempts d’imposition sur leur maison. L’abbé et les religieux de Moulins jouissent comme seigneurs hauts justiciers, du droit de plaids généraux, visite des chemins et warisseaux (terrains communaux), du droit de percevoir des amendes pour foules (action de fouler aux pieds) de bois, chasse, pêches, maisons, jardins. Si l’on en juge par le compte-rendu des plaids généraux de Pâques, le 16 mai 1778, dont les « Échevinages » ont gardé copie, cette assemblée n’était que l’occasion de rappeler aux manants leurs devoirs et obligations. « Là même, ledit officier a réitéré aux manants assemblés pour les présents plaids, les défenses et ordonnances contenues en ceux précédents, leur enjoignant de s’y conformer, nommément de ne chasser ni poisser (pêcher) en aucun temps dans cette juridiction, de ne fréquenter les cabarets pendant les offices divins, ni de commettre des irrévérences ou incommodités près des églises, de faire des patrouilles jour et nuit dans toute la juridiction, leur ayant été de nouveau ordonné par ledit officier de raccommoder et réparer les chemins publics situés en icelle pour les rendre charriables et praticables. Le tout aux peines et amendes pour ce statuées par les édits et placards de Sa Majesté ». (AEN - Échevinages de Moulins - 5762). Les abbé et religieux disposent encore du droit de cours foncière en pouvant par là, désigner et établir le mayeur et les échevins. Ils ont le droit de chasse et de pêche dans toute l’étendue de la juridiction. Il existait encore d’autres droits que les religieux de Moulins possédaient mais n’ont pas exercé : l’afforage des bières et vins consistant dans la levée de deux pots à la tonne (tonneau), le pennage des pourceaux comportant la perception du dixième du prix de chaque pourceau, dans la juridiction, le jour de la Saint Rémy et enfin le droit de mortemain consistant dans le choix par le seigneur, du meilleur meuble trouvé au décès du chef de famille. C’est tout à l’honneur des religieux de Moulins que ce dernier droit particulièrement odieux, n’ait pas été exercé. (66) Lors de la mise sous économat de l’abbaye, en 1785, les droits seigneuriaux de mortemain, pennage des pourceaux, afforage des bières et vins, enfin la taille de crama furent adjugés en passée publique, le rendage annuel étant de 39 florins de Brabant. C’est Charles Délogé, fermier à Moulins, qui en fut adjudicataire.
5. La vie conventuelle - La gestion de l’abbaye La vie conventuelle La charte de charité sur laquelle se fonde l'ordre cistercien a énoncé un précepte à propos du choix du lieu où devait se construire une abbaye cistercienne : « Qu’aucun de nos monastères ne soit construit dans les villes, dans les lieux fortifiés ni dans les domaines ». Il fallait donc choisir un lieu à l’écart du monde. Moulins répondait à ce prescrit : il se situe à égale distance des villages de Warnant, Haut-le-Wastia et Anhée, juste au centre d’une plaine qui va s’élargissant au sortir du cours encaissé de la Molignée et qui, entouré de pentes boisées, aboutit à la Meuse. La plaine est parcourue en son milieu par un ruisseau au débit abondant et rapide qui couvrira les besoins en eau de l’abbaye et lui fournira une potentialité en force motrice pour ses projets industriels limités uniquement à une papeterie, un moulin à farine et une huilerie. Pour nous faire une idée de ce qu’était l’abbaye de Moulins, nous disposons de cinq sources : Une planche dans les albums de Croÿ (1596-1611) qui n’est qu’une reconstitution hypothétique du lieu, car si on y remarque bien le groupe des bâtiments conventuels, on y aperçoit aussi la Meuse et sur une colline, les ruines de Poilvache, qui ne peuvent être aperçues de Moulins. Une gravure publiée dans « ANTIQUATES COMITATUS NAMURCENSIS », en 1608, œuvre de J-B. Gramaye, historiographe des Pays-Bas qui fut chargé par l’Archiduc Albert d’écrire l’histoire de son temps. La gravure est accompagnée d’un texte latin relatant en bref les grandes lignes de l’histoire de Moulins et la succession de ses abbés. Ce texte très laudatif n’apporte pas d’information sur la structure de l’abbaye. Une gravure de Remacle Le Loup datant de 1740 et publiée dans « les Délices du Païs de Liège ». C’est la vue la plus exacte que nous ayons de l’abbaye après sa propre transformation par l’abbé Pierre Denis (1733-1747). C’est sous cet aspect que Moulins se présentait à la fin du XVIIIe siècle. La carte des Pays-Bas Autrichiens levée à l’initiative du Comte de Ferraris (1771-1778). Le croquis cadastral de 1825 où l’emplacement des bâtiments anciens se trouvait encore à l’exception de l’église démolie à la fin du XVIIIe siècle après la vente de 1797. En nous reportant au plan-type de l’abbaye cistercienne comme l’a publié le très intéressant ouvrage « Monastères bénédictins et cisterciens dans les albums de Croÿ » (67), il est possible d’imaginer quelle était la configuration des bâtiments à Moulins. La description n’envisage que l’abbaye des moines, les vestiges de l’occupation par les moniales n’existant plus du fait que Moulins, incendié en 1465, a été reconstruit par les cisterciens. On trouvait dans une abbaye-type, à l’intérieur de la clôture : l’église dont le choeur était voisin du cimetière, ce qui était le cas à Moulins, le cloître proche de l’église, la salle des moines à côté des locaux du noviciat, la salle du chapitre où se réunissait la communauté, le réfectoire à côté de la cuisine et de l’office, les dortoirs à l’étage de ces divers bâtiments, les locaux des convers. Il y en eut à Moulins du XVe siècle au début du XVIIe. le quartier abbatial n’apparaîtra qu’au XVIIe siècle quand les pères-abbés quittant leur chambrette à l’entrée du dortoir commun, se firent                                   construire un quartier distinct. Les diverses parties venant d’être énumérées, composaient les lieux réguliers et se trouvaient obligatoirement dans la clôture qui n’avait en principe que deux entrées. Les bâtiments réguliers se trouvaient à proximité d’une zone extérieure où étaient la boverie avec ses écuries, étables et grange, le moulin à farine, l’hôtellerie, l’infirmerie, les jardins. (68)
L’abbaye de Moulins dans les albums de Croÿ vers 1604
Gravure publiée dans le “Antiquitates comitatus namurcensis
Gravure de Remacle Le Loup, datant de 1740 publiée dans “les délices du Païs de Liège”. Cette vue est la plus fiable et montre ce qu’était l’abbaye dans les 50 dernières années de son existence. Dans l’angle supérieur gauche les armoiries de l’abbé Denis, rénovateur des bâtiments.
En observant la gravure de Le Loup, il apparaît que les lieux réguliers étaient tout à côté des bâtiments-annexes, l’ensemble formant une seule clôture. En 1785, lorsque l’abbaye de Moulins fut mise sous économat, le premier soin de l’administrateur civil fut de dresser l’état des lieux. Dans l’enclos de l’abbaye, il distingue : l’église, le couvent, le quartier abbatial, le quartier d’hôtes, le jardin et le verger. En outre : le logement du fermier de la grande cense avec une grange, les écuries et les hostelleries. Ce sont les bâtiments dessinés à l’avant-plan de la gravure de Le Loup. Viennent encore : la petite ferme des religieux jouxtant la précédente en partageant certains de ses bâtiments, le moulin à farine, la forge du maréchal et la brassinne. (69) L’état des lieux indique aussi la composition de certains quartiers. Par exemple, le quartier d’hôtes comprend une chambre à manger, trois salles, à l’étage cinq chambres. Dans le couvent, il y a 28 cellules de moines. (70) Voilà donc le cadre dans lequel vivait la communauté de Moulins qui, au XVIIIe siècle tout au moins, ne comptait pas plus de 20 à 25 religieux dont une partie vivait hors de l’abbaye : un moine était prieur à Saint Héribert, quelques autres étaient directeurs ou confesseurs de couvents de cisterciennes. C’était notamment le cas à Val-Notre-Dame (Huy), Val-Benoit (Liège), La Ramée (Jauchelette), Solières (Huy). Dans les archives de Moulins, il ne se trouve pas de document qui informe d’une façon précise sur la composition de la communauté, les fonctions de chacun ou l’emploi du temps. Pour éclairer ces points, force est de recourir aux ouvrages généraux traitant de l’ordre de Cîteaux À la tête de la communauté, il y a l’abbé qui, une fois élu par les moines, les dirige et fixe à chacun sa mission. Il est aidé par un prieur et un sous-prieur. Viennent ensuite ceux qui sont responsables de l’administration du temporel, à savoir l’organisation de la vie interne de l’abbaye, tels le proviseur, l’économe, le trésorier ou chairier, le cellerier chargé des provisions, le maître d’hôtel, l’infirmier. D’autres fonctions sont en rapport avec la vie spirituelle : le maître des novices, le chantre, le sacristain et le bibliothécaire. La communauté vit selon un horaire rythmé par les offices du choeur. Bien certainement, ce rythme s’est modifié au cours des siècles, mais à l’origine de l’ordre, on peut penser qu’il était ainsi organisé. Le premier office du jour, les matines, se chantait vers minuit après quoi les moines se rendaient au dortoir. Au réveil, vers six heures du matin, on assistait aux laudes, à dix heures à la messe encadrée par tierce et sixte. Après le repas de midi, venaient l’office de none, à quinze heures les vêpres, enfin à dix-huit heures les complies. Cet horaire chargé s’allègera au cours des siècles. Entre les offices, les moines vaquaient aux occupations pour lesquelles ils étaient désignés. Si celles-ci étaient trop absorbantes, l’assistance à tous les offices n’était plus requise, la présence n’était obligatoire qu’aux matines, à la messe et aux vêpres. Les seuls moines, vu leur nombre restreint, une vingtaine, ne pouvaient évidemment suffire aux nombreuses tâches découlant de la gestion d’une abbaye. Ils étaient aidés par des personnes que l’on peut ranger en trois catégories : les convers, les familiers et les domestiques. Selon la règle cistercienne, les convers étaient ceux que « nous recevons sous notre garde à l’égal des moines, comme alliés et coadjuteurs et que nous considérons, au même titre que les moines, comme nos frères participant à nos biens tant spirituels que temporels ». A partir du XIIe siècle, les convers sont principalement affectés aux travaux agricoles dans les grangiae ou aux travaux de construction des lieux monastiques. Il y eut des convers à Moulins surtout aux XVe et XVIe siècles. Lorsque l’abbé demande, en 1492, à l’autorité impériale de pouvoir réédifier la chapelle d’Anhée, il précise que cela se fera avec les convers. D’autre part, l’obituaire recense des obits en mémoire de quelques convers. On cite Jean Dissyer (Obitus fratris Joannes Dissyer conversi hujus domus 1614) (71), Jean Dandenne en 1616, Claude Sovet en 1633, Robert de Celle en 1713. Au XVIIIe siècle, le nombre de convers alla en diminuant. Les familiers étaient des personnes de confiance qui venaient vivre une partie de leur vie à l’abbaye et en échange du gîte et couvert, exerçaient des tâches comme, par exemple, celle du portier. Ce fut le cas, en 1767, de Martin Leclef, natif de Rosée, qui fut portier à Moulins, y recevant la nourriture, le logement et l’entretien. La convention qui le liait à Moulins ajoute qu’on le reçoit par charité. (72) Enfin l’essentiel des tâches reposait sur un personnel domestique. À ce sujet, nous sommes bien renseignés puisqu’au moment de la mise sous économat en 1785, l’administrateur établit la liste des charges en personnel. Il cite : une cuisinière à qui l’abbaye donne l’alimentation comme à tous les domestiques et un gage annuel de 80 florins, une couturière au gage de 33 florins, un cocher qui reçoit annuellement un saraut (blouse de travail courte et ample portée par dessus les vêtements) et 67 florins, une servante pour le quartier d’hôtes : 39 florins, un domestique brasseur : 70 florins, un berger faisant paître les moutons que l’on élève pour la consommation du monastère : 25 florins, un boulanger en même temps valet de la maison d’hôtes : 56 florins, une servante au refuge de Namur : 50 florins, une fille de cuisine : 28 florins, un domestique pêcheur : 76 florins, un domestique maréchal-ferrant : 39 florins, une servante de basse-cour : 28 florins, un organiste à qui l’on donnait l’alimentation évaluée à 100 florins. Il était en outre chargé d’allumer les feux pour 18 florins. Enfin, il recevait : à Pâques, deux chemises et une paire de bas; à la Saint-Jean, une paire de souliers; à la Toussaint, une culotte, une paire de souliers et une paire de bas. L’ensemble de tous ces gages et les rétributions en nature constituaient une charge importante pour l’abbaye. Les élections d’abbés Dans la vie d’une abbaye, le rôle de l’abbé est primordial : Il doit faire appliquer la règle, exiger l’obéissance de sa communauté, veiller à la bonne marche de sa maison tant sur le plan spirituel que temporel. Son élection est faite à bulletin secret par tous les religieux réunis capitulairement au son de la cloche. Les votes sont récapitulés sur des bordereaux dont il reste quelques exemplaires, entre autres ceux de la nomination de l’abbé Damanet en 1703 et du dernier abbé, Bruno Valiez, en 1748. (74) Les élections à Moulins n’allèrent pas toujours sans rencontrer des difficultés. L’abbé Van den Perre, élu le 17 novembre 1662, était profes de l’abbaye de Cambron et frère de l’évêque de Namur. Sa nomination fut sans doute imposée par le pouvoir royal. Toujours est-il qu’il fut mal accepté par les religieux de Moulins au point que le 23 juillet 1663, ordre fut donné de le mettre en possession de l’abbaye, une lettre du lieutenant gouverneur et capitaine général de Pays-Bas en fait foi. « C’est à tort que le prieur et les religieux de l’abbaye de Moulins s’opposent au prélat qu’il a plu à Sa Majesté leur nommer, puisque sa vie exemplaire et bonne conduite aux emplois qu’il a eus ci-devant, l’ont rendu digne de cette prélature et n’étant d’intention de laisser lesdits religieux plus longtemps dans leur désobéissance, nous vous faisons la présente pour vous ordonner pour et au nom et de la part de Sa Majesté que si lesdits religieux demeurent encore réfractaires aux ordres de Sa Majesté en ce regard, vous ayez à les contraindre par l’autorité de votre charge et ce qui en dépend, à l’obéissance et respect qu’ils doivent à leur Roy et à leur abbé légitime Dom Bartolomé Van den Perre en sorte qu’il soit incontinent et sans ultérieur délai, mis en la réelle et actuelle possession de l’abbaye que Sa Majesté lui a conférée ». (75) C’est pendant l’abbatiat de Van den Perre que Louis XIV fit occuper une partie des Pays-Bas espagnols dont le bailliage de Bouvignes en 1680 et celui de Montaigle en 1681. Est-ce pour cette raison que l’abbé Van den Perre se tint éloigné de Moulins ? Pour le contraindre à revenir, le roi de France fit parvenir une lettre à l’abbaye. « Sa Majesté ayant esté informée que l’Abbé de l’abbaye régulière de Moulins sise vis-à-vis de Poilvache dans les terres dépendantes du gouvernement de Philippeville, lequel est député de l’ordre ecclésiastique dans les Estats de Namur, est absent de ladite abbaye depuis fort longtemps en sorte qu’au lieu d’y aller résider selon que le bien du spirituel et du temporel d’icelle le requiert, il fait son séjour ailleurs où les dépenses qu’il y fait ne peuvent qu’estre extrêmement à charge de ladite abbaye, et estant nécessaire d’y pourvoir, Sa Majesté a ordonné et ordonne, veut et entend que dans un mois pour tout délay du jour et date du présent ordre, l’abbé de ladite abbaye de Moulins sera tenu et obligé d’aller faire sa résidence actuelle dans ladite abbaye, autrement à faute de ce faire dans ledit temps et iceluy passé, Sa Majesté donnera ses ordres pour faire procéder dans ladite abbaye à une nouvelle élection d’abbé en icelle ... ». La missive poursuit en donnant l’ordre au Sieur Faultrier, Intendant du Hainaut de la faire publier dans l’abbaye. (76) Dom Placide, religieux et maître d’hôtel de Moulins est chargé de faire parevnir l’ordre du roi à l’abbé Van den Perre. Son successeur, Jacques Maucourt était prieur de l’abbaye lorsqu’il reçut sa patente du roi de France Louis XIV, le 24 décembre 1695. Un passage de celle-ci montre à suffisance que l’administration française s’arrogeait le droit de choisir les titulaires d’abbayes et entendait n’y mettre que des personnes ayant sa confiance. « Louis par la grâce de Dieu, Roy de France et de Navarre, Désirant pourvoir à ce que les abbayes de notre Royaume, pays, terres et seigneuries de notre obéissance, soient remplies de personnes dont la probité, intégrité de vie et de moeurs nous soient connues et sachant que pour cet effet, nous ne pouvons faire un meilleur choix que de notre cher et bien aimé Dom Jacques Maucourt, religieux et prieur de ladite abbaye, pour ces causes et autres pieuses considérations à ce nous mouvantes, avons nommé et présenté, nommons et présentons par ces présentes signées de notre main ledit Maucourt pour abbé à ladite abbaye de Moulins, vacante par le décès de Dom Barthélemy Van den Perre, dernier titulaire et paisible possesseur d’icelle, dont la nomination nous appartient par droit de patronage régalle ... ». Plus loin, l’ordonnance ajoute : Ainsi « donnons en mandement à nos aimés et féaux, les gens tenant notre cour et parlement de Toumay et autres, nos officiers et justiciers qu’il appartiendra que du contenu de ladite présente, ils fassent jouir et user pleinement et paisiblement ledit Maucourt, cassant et faisant casser tous troubles et empêchements au contraire, car tel est notre plaisir... ». (77) L’élection du dernier abbé de Moulins, Bruno Valiez connut aussi des rebondissements. Il est élu en 1748 alors que les troupes de Louis XV occupent les Pays-Bas autrichiens après les victoires de Fontenoy, de Rocour et de Lowfeld, ce qui explique que l’élection s’est faite au refuge de Namur, où, vu l’insécurité des temps, les religieux s’étaient retirés. La paix d’Aix-la- Chapelle ayant ramené la restauration des Habsbourg, un commissaire impérial vient, le 27 septembre 1749, enquêter à Moulins sur les circonstances de l’élection sous les Français. Dans son rapport, il note qu’ayant fait se rassembler les religieux dans la salle du chapitre, il leur a donné lecture de la commission dont il est investi et leur a notifié que « le prétendu abbé était suspendu de toutes fonctions et exercices ». Il entend ensuite les religieux séparément et sous la foi du serment, les interroge sur les circonstances de l’élection. Le commissaire constate que Dom Bruno Valiez a obtenu 9 voix alors que Dom Charles Pasquet n’en a eu que 4 et d’autres encore moins. En conclusion, le commissaire pense qu’il n’y a pas eu d’irrégularités et que les religieux revoteraient de la même façon, l’élection s’étant faite devant le commissaire du roi de France. Il conseille donc de maintenir Dom Bruno Valiez à la tête de l’abbaye. Malgré cela, une nouvelle élection a lieu le 15 décembre 1749 qui consacre la nomination de Bruno Valiez. (78) En plus de la validité de l’élection, le commissaire a examiné les recettes et dépenses de la communauté. Les comptes lui paraissent exacts, toutefois les profits tirés de la papeterie et de l’huilerie n’y sont pas indiqués. Il estime de 1.500 à 1.600 florins, le profit annuel de la papeterie et remarque qu’elle apporte « le revenu le plus clair de leur maison avec leur basse- cour, puisque le reste de leurs biens ne consiste qu’en quelques censes situées dans un assez mauvais pays et de fort peu de rapport ». Le commissaire poursuit : « Je n’y ai remarqué aucune dépense superflue ou qui serait à retrancher puisqu’il m’a paru au contraire qu’ils (les religieux) vivent avec beaucoup d’économie conformément à leurs revenus qui sont assez modiques et pour quelle raison, il y a toute apparence que leurs abbés ont accepté la direction de cinq maisons ou monastères de religieuses par où dix de leurs religieux sont nourris et entretenus sans qu’il en coûte à leur monastère ». Quoique Moulins ait eu des biens fonciers considérables, les revenus en étaient peu élevés. Nous ne serons donc pas surpris du déficit financier qui sera constaté lorsque le monastère sera mis sous économat trente-cinq ans plus tard.
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