Partie 1 Partie 2
Prenant sa source dans le flanc d'une colline qui s'élève de Warnant vers Bioul, dévalant à travers bois dans un vallon encaissé, débouchant dans une plaine agreste, pénétrant enfin dans les jardins français d'Annevoie, où il connaît son apothéose en cascades et jets d'eau, le ri de Banse ou ruisseau de Rouillon pourrait, jusque-là, servir de cadre aux Bucoliques de Virgile. Mais sa nature bientôt se transforme puisque, sur un parcours d'un peu plus d'un kilomètre, le mouvement de l'eau va fournir l'énergie à des établissements industriels installés proches l'un de l'autre, si bien que le ruisseau, après le silence des bois et la paix des champs, descend vers la Meuse, dans le fracas des marteaux et la fumée des forges. Il y a peu d'exemples, sur nos rivières, d'une telle concentration industrielle sur un espace aussi restreint, c'est pourquoi Annevoie-Rouillon reste, dans ce domaine un exemple qui frappe l'imagination. Le travail du fer, le long du Rouillon, remonte loin dans le passé. Alphonse Gillard, auteur de " L'industrie du fer dans les localités du comté de Namur - 1345 à 1600 " , après étude des documents de la Cour des Comptes conservés aux Archives générales du royaume, fait état de redevances payées dans la première moitié du 16e siècle, pour des coups d'eau accordés à des forgerons de Rouillon-Annevoie. On appelait " coup d'eau " l'autorisation de se servir de la force hydraulique pour une activité industrielle. 1516. Bertrand le forgeron paie 40 sous " pour faire un marteau et un affinoir sur son propre héritage joindant à la bouverie Carlière et au rieu qui vient d'Annevoie à Rouillon ". La même redevance est payée en 1531, 1541, 1552.... 1578. En 1585, elle est due par " Robert le forgeron d'Annevoie ". Un autre marteau avec affinoir est signalé en 1531 comme appartenant à Thierry Wilmotte, qui paie 4 livres " pour le coup d'eau sur le rieu de Rouillon venant d'Annevoie vers la rivière Meuse, pour ériger un marteau et affinoir ". La même redevance est acquittée en 1552 par Jean Burley successeur de Thierry Wilmotte. En 1571, le paiement est à charge de Gobert Mre Cocq. En 1602, Nicolas Marotte, seigneur foncier d'Arbre, obtient deux coups d'eau qui avaient été concédés en 1573 à Gobert Mre Cocq. Au début du 17e siècle, des actes concernent des baux relatifs à la cession de forges. En 1601, Henry le Liégeois de Dinant cède pour six ans à Antoine Leblanc, l'usine appelée le marteau Lambert, à charge de payer 200 florins par an. Nicolas Marotte, en 1602, donne une forge à bail pour cinq ans à Michel aux Brebis, le jeune.Évidemment, ces références ne nous donnent pas la localisation exacte des forges concernées, mais elles ont pour mérite de nous prouver que le travail du fer sur le ruisseau de Rouillon remonte au moins au début du 16e siècle. En 1602-03, fut élaboré le terrier du comté de Namur dans le but d'établir une base pour la perception de l'impôt. Les indications y sont plus nettes, Annevoie et Rouillon étant traités séparément. A Annevoie, on cite: Le marteau d'Annevoie que tiennent Jean Hendricq et Jacques du Bois: taxé à 5 deniers. Le marteau Libert (Lambert sans doute) que tient Antoine le Blanc: taxé à 7 deniers. A Rouillon sont cités: Le fourneau nouvellement fait par Monseigneur d'Arbre, duquel on ne fait profit quelconque ( car non encore en fonction sans doute ) est non taxé. La forge de Rouillon que tient à présent Jean de Futtevoye avec deux affinoirs et un marteau, joindant la Meuse, est taxé à 8 deniers. En 1603, il y avait donc 4 usines à Rouillon-Annevoie. La dernière citée peut être identifiée à la forge d'En bas, site futur des forges Malevez, dont il sera question dans cette étude. Vers le milieu du 18e siècle, la situation est connue avec plus de précision grâce à " La statistique industrielle dans les Pays-Bas autrichiens à l'époque de Marie- Thérèse " de Philippe Moureaux. A Rouillon, il y avait: 1 forge à 2 affineries à la, dame Moreau, 1 forge à simple affinerie à la même dame, 1 forge à simple affinerie à Mr de Cesves,
Ces établissements n'étant pas précisés davantage, il est raisonnable de penser qu'il s'agit respectivement de la forge d'En bas, de la forge du trou et de la forge aminte. A Annevoie, il y avait aussi: 2 forges à simple affinerie appartenant au sieur Montpellier. Il s'agit de la forge du haut et de la neuve forge. Selon « La Statistique » les 5 forges possèdent chacune un maka. Enfin, il est fait état à Rouillon de deux fourneaux appartenant à Joseph Misson et à la dame Moreau.Il s'agit respectivement du fourneau dit " du milieu " et de celui de la forge d'En bas. Il faudra attendre 1825 et l'établissement du cadastre pour obtenir une situation précise sur laquelle nous nous baserons pour entreprendre l'étude des forges. Puisqu'il sera question de termes propres à la forgerie, définissons-les succinctement, en suivant le processus de la fabrication et du travail du fer. Au 18e siècle, dans notre région, le fer vient de Saint Gérard, Vedrin, Cognelée ou des environs de Labuissière. Si l'opération n'a pas été faite sur le lieu d'extraction, le minerai, appelé mine est d'abord lavé. Il passe ensuite sous le bocard qui consiste en une roue à aubes, faisant tourner un arbre garni de cames qui actionnent des pilons. Leur chute pulvérise le minerai, ou les scories en fin de fabrication. Le minerai est introduit dans le fourneau à fondre le fer, qui se présente comme une construction massive en pierre, dont la forme extérieure est celle d'une pyramide tronquée. Au sommet, le gueulard permet d'introduire la charge dans le môle, de telle sorte qu'il y ait alternance de couches de minerai et de couches de charbon de bois ou de terre. A l'intérieur du fourneau, la partie évidée apparaît comme étant deux pyramides tronquées, opposées par leurs grandes bases et surmontant un creuset où s'accumule le minerai liquéfié par la combustion du charbon. L'air, pour activer cette combustion, vient de tuyères alimentées par une roue hydraulique. La fonte liquide s'écoule par le trou de coulée, dans des moules aménagés dans le sol de la fonderie annexée au fourneau. Ainsi se forment les gueuses de fonte qui peuvent peser jusqu'à 750 Kg. Les gueuses sont ensuite traitées dans les forges d'affineries, dans le but de brûler le carbone et les impuretés de la fonte qui est ainsi ramenée à l'état de fer. A la sortie de l'affinerie, le fer est martelé au moyen d'un maka ou martinet qui en expulse les scories et forme de grosses barres de fer. Celles-ci sont ensuite réduites par martelage en barres de dimensions commerciales ou fer marchand. Les barres peuvent être martelées en tôles par les makas des platineries ou forgées en outils tranchants dans les taillanderies. Le travail du fer peut être poussé plus avant au moyen de la fenderie qui sert à diviser les bandes de fer en plusieurs verges en les engageant, chauffées à blanc, entre deux cylindres qui les aplatissent et les allongent. La barre est alors présentée aux taillants qui la divisent en vergettes. Les makas, martinets, soufflets et cylindres des forges étaient actionnés par des roues hydrauliques à godets placées en contrebas des digues de retenue d'eau qui formaient des étangs régulateurs et des réserves pour les périodes de sécheresse. L'eau en tombant sur les roues, les mettait en mouvement et transmettait la force motrice à l'usine. Pour étudier plus en détail le travail du fer tel qu'il se pratiquait au 18e siècle, il convient de consulter les planches et leurs explications dans le chapitre " L'art du fer " de l'Encyclopédie de Diderot et d'Alembert. Dans notre région, le travail du fer a été rendu possible grâce à la présence de nombreux ruisseaux qui se jettent dans la Meuse. A Annevoie, le Rouillon , par l'abondance de ses eaux et son débit rapide dû à la déclivité du terrain, générait une force motrice capable d'alimenter plusieurs industries. Prenant sa source dans le Gros Bois, entre Warnant et Bioul, il est rejoint d'abord par un autre bras descendant de Mossiat puis, à son entrée dans les jardins du château, il reçoit encore les eaux d'un ruisseau venant de Fonteny, au bas du Fond des Vaux. A partir de là, le débit étant suffisant, le ruisseau est aménagé de telle sorte qu'il alimente les bys ( biefs ). creusés en amont de chaque forge. Ainsi, s'est créé un chapelet d'étangs qui occupent le fond du vallon de Bableuse, dont le nom est en rapport avec la couleur bleue des eaux. Parallèlement à ces étangs, une dérivation creusée à mi- pente du vallon va, de la forge Aminte vers deux établissements: le neuf fourneau et le vieux moulin à farine, pour rejoindre finalement le Rouillon. Il faut le constater, toutes les possibilités offertes par un petit ruisseau auront été exploitées sur un parcours très restreint Dans la période pendant laquelle les Pays-Bas autrichiens ont été rattachés à la France ( 1795-1814 ), le gouvernement a voulu clarifier la situation des industries, dans les départements annexés. La loi du 21 avril 1810 oblige les exploitants d'usines à présenter leurs titres de propriété et les octrois en vertu desquels la construction de leurs usines avait été autorisée sous l'ancien régime. Elle les oblige, en outre, à en demander la maintenance. Pour faire la preuve de la propriété, beaucoup d'exploitants ont eu recours au témoignage de personnes âgées qui sont venues déposer devant le tribunal et dire, qu'à leur connaissance, les usines appartenaient bien à ceux qui les exploitaient. Quant à l'octroi d'exploitation, beaucoup ne purent le retrouver surtout si l'origine de la construction remontait loin dans le passé. Dans les demandes de maintenance des usines, on recourait souvent à une formule du genre de celle-ci. " Il est de notoriété publique que les usines dont il s'agit, sont du nombre des plus anciennes du pays et si l'exposant ne peut vous représenter les titres en vertu desquels elles sont établies, c'est qu'ils se sont égarés par les guerres, révolutions et autres événements que ce pays a essuyés ". Les débuts de la période française furent difficiles pour les maîtres de forges. Nous retiendrons deux requêtes qui le prouvent. En octobre 1797, de Montpellier d'Annevoie écrit en substance ce qui suit: «  La ci-devant province de Namur, la plus petite de toutes, fait mouvoir seule 20 hauts-fourneaux, des forges ou affineries, 8 fenderies, 23 platineries et macquats et des clouteries en proportion et donne à vivre aux mineurs, bûcherons, charbonniers, rouliers, bateliers, charrons, charpentiers, maréchaux etc... La forgerie occupe plus de 100.000 citoyens dans le département de Sambre-et-Meuse. » Le rendement de la forgerie a diminué considérablement, suite à la Révolution responsable d'effets néfastes, à savoir: - La privation des moyens de transport par eau et par terre; - La réquisition de chevaux et d'hommes pour les prestations militaires; - Les contributions, emprunts forcés et autres impositions extraordinaires qui ont pesé sur les fabriques et altéré leur aisance. - La mise sur le marché d'une prodigieuse quantité de fers étrangers venant d'Allemagne ou bien récupérés lors de la destruction de nombreux couvents ou abbaye.. Cette récupération a répandu dans le pays des millions de fers tout fabriqués, qui se débitent à vil prix. Cette surabondance paralyse la production. (Archives de l'Etat à Namur. Département de Sambre- et- Meuse n° 159). Un autre maître de forges, Jaumenne de Marche-les-Dames (Marche-sur Meuse) écrit, le 4 fructidor an 8 ( 23 août 1800 ) au préfet du département de Sambre et Meuse. Il évoque la stagnation effrayante du commerce. La forgerie est victime d'entraves, elle tend à une entière extinction. Il en cite les causes: - Les expéditions de marchandises sont très rares et le seront toujours plus, tant que la navigation ne sera pas libre et que la paix n'aura pas fermé les plaies de l'Etat et des particuliers. - Le gouvernement fait preuve d'insouciance à propos de la réparation des routes à tel point que les charretiers doivent quadrupler le nombre de chevaux et qu'ils en perdent. - Les ouvriers forgerons sont requis pour des travaux au profit de l'armée de terre. Le précédent gouvernement (des Pays-Bas autrichiens) qui connaissait ce que la forgerie valait à ses finances, lui avait accordé toutes les faveurs possibles pour la rendre vivante et active. Il faisait délivrer gratuitement, des forêts domaniales, tous les bois nécessaires aux mineurs pour soutenir leurs fosses et aux maîtres de forges pour réparer leurs établissements. Au contraire, le gouvernement français, qui a nationalisé les forêts domaniales et celles des abbayes, n'accorde plus ces avantages. De plus, il a supprimé les exemptions de gardes et de corvées dont jouissaient les ouvriers des forges et fourneaux. Etant donné que la forgerie chôme déjà, que deviendront les 20.000 forgerons et les 40.000 cloutiers occupés dans le pays: ils seront plongés dans l'oisiveté et ne pourront plus payer l'impôt. Jaumenne poursuit: « Votre œil est trop clairvoyant, citoyen préfet, pour ne pas apercevoir que cette misère des ouvriers nécessitée par l'anéantissement du commerce, rejaillit enfin sur le gouvernement qui ne pourrait se faire payer de l'indigence ». Pour terminer, Jaumenne demande que le gouvernement français ordonne que le travail des usines se fasse suivant les chartes et usages du pays , pour prévenir la chute totale du commerce de la forgerie. Avec l'instauration du Consulat et de l'Empire de Napoléon, cette situation va s'améliorer. Le pays sera réorganisé et l'industrie relancée grâce en partie aux commandes militaires. Arrivons-en à une période connue avec précision, grâce à l'établissement du cadastre entrepris sous le régime français et poursuivi sous le régime hollandais. En 1830, on trouvait successivement sur le Rouillon, de l'amont vers l'aval:      La forge d'en haut, au bout de la rue de l'église,      La neuve forge, à côté des jardins d'Annevoie,      La forge Aminte,      Le neuf fourneau,      Le moulin à farine,      La forge du trou,      Le fourneau du milieu,      La forge d'en bas. On trouvera la localisation de ces établissements en consultant les croquis en annexe, établis d'après le premier plan cadastral de 1825. Une statistique manufacturière de la commune d'Annevoie, vers 1840, donne une image précise de l'activité économique du village ( AEN. Archives contemporaines n° 134 ). On y recense: - 5 affineries ayant 2 fours chacune, utilisant le charbon de bois et totalisant 6 marteaux. Ces affineries emploient 55 ouvriers et produisent par an 1167 tonnes de fer marchand. Valeur globale: 396.000 f. - 3 martinets ou makas, utilisant le charbon de terre, employant 6 ouvriers et produisant 259 tonnes de fer martelé. Valeur globale: 103.000 f. - 3 hauts-fourneaux dont un seul est en activité, fonctionnant au charbon de bois, employant 9 ouvriers pour une production de 600 tonnes de fonte. Valeur globale: 84.000 f. - 3 bocards dont un seul en activité traite 36 tonnes de scories de fourneau. - 1 moulin à farine mu par l'eau, produisant 206 tonnes de mouture qu'il s'agisse d'épeautre, de froment ou d'orge dont une partie sert aux distilleries et brasseries locales. 4 ouvriers sont employés. Cette statistique ne se limite pas aux industries qui font l'objet de cette étude, mais cite encore: - 2 brasseries: l'une près de l'actuel pont de Rouillon, l'autre à proximité de la forgette Goffioul à la place communale. Production: 882 hectolitres de bière brune. - 2 distilleries utilisent le seigle, l'orge, les pommes de terre pour produire 265 hectolitres d'alcool. - Enfin, une huilerie dans la basse-cour du château, utilisant des graines oléagineuses pour produire 22 hectolitres d'huile et 240 de tourteaux.Cette huilerie n'est active que 80 jours par an,                                                                   Vers le milieu du 19e siècle, les forgeries établies sur les rivières vont connaître une crise qui amènera leur suppression. A cette époque, les bassins industriels de la Sambre (Charleroi) et de la Meuse (Liège) sont en pleine expansion, grâce aux mines de charbon qui leur sont proches. Comment les petites forges alimentées par la force hydraulique pourraient-elles concurrencer les bassins miniers ? Pour elles,le déclin et la fermeture sont inéluctables.  En avril 1845, un rapport expédié au conducteur des mines à Philippeville, indique que, pour Rouillon-Annevoie, sont en activité : La forge d'en haut de Mr de Montpellier La neuve forge de Mr de Cesves Sont en chômage: La forge Aminte de Mr Donau. Le neuf fourneau de Mme Bauchau. Le fourneau du centre de Mr de Moreau Le fourneau d'En bas de la Société forestière et agricole La forge d'En bas de la même société. Que voilà un triste bilan puisque sur sept établissements, deux seulement sont encore en activité. Signe des temps, tous les fourneaux qui produisent les gueuses de fer sont à l'arrêt. Les fermetures définitives ne tarderont plus, on peut estimer qu'elles interviendront vers 1860. Seule une forgerie, celle d'En bas, après reconversion complète entre 1892 et 1904, se maintiendra à Rouillon pendant une cinquantaine d'années encore. Ce sont les forges Malevez, spécialisées dans la production d'outils agricoles. Les autres forges se reconvertiront dans des activités qui peuvent encore utiliser la force hydraulique: scieries de marbre, polissoirs, moulins à farine. De la sorte, le courant rapide du Rouillon continuera à actionner des entreprises, jusque dans les premières années du 20e siècle C'est l'histoire de chacun des centres d'activité que nous allons aborder.
La forge d'En Haut ou de la forgerie à la pisciculture. Si l'on remonte la rue de l'église jusqu'à l'endroit où elle se termine en bordure des champs, on remarque, à droite, des vestiges de murs plus bas que le niveau du sol. C'est ce qui subsiste de la forge dite d'En Haut, qui comprenait en 1830, en plus du bâtiment d'exploitation, deux étangs, une cour et une remise à charbon. L'origine de cette forge remonte à 1732. En effet, un octroi pris au nom de l'empereur d'Autriche Charles VI, fait état d'une forge à Annevoie travaillant ''par le secours de deux petits ruisseaux qui se rencontreroient dans ledit village et qui seroient séparés au-dessus, tenant de différentes sources et qui pourroient également s'y rejoindre par une communication au canal d'environ deux bonniers de longueur .... et former une chute d'eau suffisante pour y établir une nouvelle forge ". Ce document de plusieurs pages, écrit en un style imprécis, voire obscur, poursuit en disant que la nouvelle forge ne pourrait préjudicier personne, aucune autre usine n'étant établie au-dessus. Ces caractéristiques indiquent qu'il ne peut s'agir que de la forge d'En Haut, L'octroi est accordé à Jean Montpellier. ( Archives de l'Etat à Namur. Département de Sambre et Meuse n° 161 ). Un peut s'étonner qu'une forge ait été construite en un endroit où ne coulait aucun ruisseau. Pour que l'eau y arrive, il a fallu établir deux canalisations en maçonnerie. L'une part des environs de l'étang de la Royïnnette, qu'on appelait autrefois le " By dal Roynette ", réserve d'eau s'étendant sur 15 ares. La canalisation suit une digue élevée le long des champs et s'écoule dans le grand bief de la forge. L'autre canalisation part de Fonteny et alimente un bief plus petit, situé de l'autre côté du bâtiment. Chacun de ces bys fait mouvoir un tournant ou roue hydraulique. Voir croquis cadastral en annexe. D'autre part, le terrain ne présentant pas de dénivellation suffisante pour créer une chute d'eau, il a été nécessaire de creuser le sol pour établir en contrebas et les roues hydrauliques et la forge elle-même. Nous savons déjà que la forgerie établie sur les petits ruisseaux survécut difficilement au développement des grands bassins industriels et miniers. Le cadastre nous indique qu'en 1886, la forge d'En Haut n'est plus en activité et qu'elle est convertie en bâtiment rural. Une carte-vue Nels de 1903 montre ce qui existait sur le site de l'ancienne forge. On aperçoit, peu au-dessus du sol, à l'avant-plan, deux toits parallèles et allongés, derrière eux, disposé perpendiculairement, un autre toit plus élevé. La léthargie de l'établissement va durer jusqu'en 1916, année où le forgeron Minot choisit cet endroit pour y exploiter une forgette dans laquelle on va fabriquer des outils. Après la guerre 1914-18, l'affaire est reprise par Detraux et Colart puis par une association de trois ouvriers: Camille Barthélemy, Gaston Puissant et Paul Mathieu. Monsieur Edmond Dandoit, à qui nous devons ces détails se souvient encore de l'aménagement de la forgette. A l'avant-plan, il y a un grand hall subdivisé en trois et recouvert par les deux toits allongés et parallèles que l'on aperçoit sur la vue de 1903. A l'arrière, un hall plus petit, recouvert par le toit le plus élevé. A gauche des installations, se trouve le bief alimenté par l'étang de la Royïnette, à droite un réservoir de régulation dont l'eau vient de Fonteny. En coulant du grand bief, l'eau tombe sur une turbine qui actionne un arbre de transmission traversant la forgette dans toute sa longueur à la limite des deux halls. Il actionne toutes les machines: maka, meule à polir, scie circulaire et cisaille. En annexe le schéma de l'installation. La forgette fut active pendant une vingtaine d'années. On y produisait de l'outillage agricole et industriel: outils de jardinage, sarclettes pour éclaircir les champs de betteraves, bêches, pelles, outils de carrière, tirants ( lames ) et accessoires pour scieries de pierres, articles de quincaillerie, pièces spéciales forgées sur commande. L'année 1937 vit la fin des activités de la forgette, l'atelier redevenant une remise, dont le temps eut raison. En 1946, le cadastre la déclare en ruines. Le bien qui appartient toujours aux Montpellier est vendu en 1954 à Mme Noël qui, avec son mari Mr Piron,y établit une pisciculture destinée à l'élevage des truites. Les vieux murs du sous-sol sont aménagés, des passages bouchés et des bacs établis. En 1994, il ne reste de la pisciculture qu'une infrastructure faite d'anciens soubassements sur lesquels reposent des tuyaux apparents. L'eau du grand bief coule vers la place de l'église pour rejoindre le Rouillon à son entrée dans le parc du château. Au passage autrefois, elle faisait tourner la roue de la forgette Goffioul, lieu de travail d'un maréchal-ferrant, déjà établi en 1830, à la place de l'église et qui eut des successeurs. La roue de la forgette subsiste encore, dernier signe d'une activité disparue. Quant à l'eau du réservoir de régulation, elle repart de la forge d'En Haut, en direction du grand canal du parc. Le seul témoin du temps révolu des forges, resté debout, est la maison de Mr E. Dandoit. Initialement remise à charbon, elle devient bâtiment rural quand les forges cessent de fonctionner. En 1913, une partie du bâtiment est transformée en maison d'habitation. Le bien sera vendu en 1953 par les Montpellier à Mr Dandoit, qui l'habite toujours.
Les forges et les industries du ruisseau de Rouillon Partie 1
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Carte d’Annevoie. Section de Rouillon. D’après le premier cadastre de 1830 indiquant les établissements industriels situés sur le cours du ruisseau du Rouillon appelé aussi “bableuse”. Echelle originale: 1/2500e.
Carte-vue Nels de 1903, montrant le site de la Forge d'En-Haut, à l'endroit où se termine la Rue de l'Eglise.
Carte-vue Nels de 1910 représentant la forgette Goffioul à la Place de l'Église. En 1830, cette forgette appartenait à Nicolas Goffioul qui y exerçait le métier de maréchal-ferrant. La famille Goffioul était déjà présente à Annevoie au 17e siècle. Claude Goffioul, né vers 1649, intervient comme témoin, le 19 juin 1714, pour attester que la Forge d'En-Bas a été restaurée en 1695 par le Sieur Moreau. ( AEN. Communes d'Ancien Régime n° 169 ).
La Neuve Forge,ou de la forgerie au restaurant " Le relais des jardins '' Sur le cours du Rouillon, en aval du château d'Annevoie, se situait une forgerie connue sous les dénominations : " La Forge d'En Bas'' ou la " Neuve Forge " Ceci ne signifiait pas nécessairement qu'elle était d'origine plus rapprochée, mais bien qu'elle avait été reconstruite plus récemment.  La loi du 21 avril 1810 du Gouvernement français, a prescrit aux maîtres de forges de faire connaître l'origine de leurs usines et d'en demander la maintenance. Suite à cette loi, Charles de Montpellier, maître de forges à Annevoie, écrit le 18 novembre 1812, au préfet Perès du Département de Sambre et Meuse.  ''Je possède une forge dite " d'En bas ", située sur la commune d'Annevoie-Rouillon, composée de deux foyers d'affinerie, d'un foyer de chaufferie et d'un marteau de forge. Cet établissement qui existait depuis un temps immémorial, a été reconstruit en 1779 et a, par conséquent été maintenu par la loi du 21 avril 1810, qui a concerné toutes les usines qui marchaient alors. On ne peut douter que celle-ci a été légalement construite. Cependant, Monsieur le Préfet, désirant me conformer aux dispositions de la loi précitée, je viens vous prier de m'accorder la permission exigée des maîtres d'usines qui ne peuvent représenter celle qu'ils auraient obtenue précédemment ". ( AEN ,Département de Sambre et Meuse n° 163 ). Cette lettre nous apprend deux choses intéressantes: la forge est très ancienne, puisqu'elle existe depuis un temps immémorial, d'autre part, elle a été reconstruite en 1779, ce qui lui a valu son nom de " Neuve Forge'' De 1829 à 1833, elle va connaître diverses mutations. Frédéric de Montpellier, frères et soeurs vendent le 11 septembre 1829, à Jean Joseph Didot, leur " forge d'En Bas''  ainsi qu'un tiers indivis du rivage Monseu, joignant à la Meuse. Un acte du 17 juin 1830 précise que la même forge et le rivage ont été adjugés à la Dame Veuve Didot et à Pierre Chasselet, maître de forges à Yvoir. Le 28 juin 1832, ce dernier revend sa part à la Dame Didot. Enfin, le 8 août 1833, un nouvel acte indique que la veuve de Jean Joseph Didot vend à Alexandre de Cesves, maître de forges à Givet et à Éugène de Cesves de Rosée: - une forge composée de deux fours à puddler, d'un marteau cingleur, d'une affinerie, d'un marteau, de deux martinets, d'un bocard avec le tiers indivis dans un rivage situé à Rouillon au bord de Meuse, Le prix de vente est de 24.350 francs. A partir du cadastre de 1830, la forge d'En bas est connue sous le nom de " Neuve Forge ". Elle comprend la forge elle-même, un bâtiment d'exploitation, un bocard, un étang et une cour avec aisance. Voir croquis cadastral en annexe. A côté de la forge, les Montpellier construisent en 1835, un polissoir à marbre, qui sera démoli en 1911. Sous la gestion de la famille de Cesves, la forge est reconstruite et agrandie, le by qui l'alimente augmente en superficie, pour prendre la forme qu'on lui connaît encore actuellement. Voir croquis en annexe. C'est par la vente du 6 février 1856 que la famille le Cesves cède la forge à Frédéric de Montpellier. A partir de là, elle restera sa propriété et celle de ses descendants. La fin de la forgerie se situe dans les années 1860, une nouvelle activité va s'y substituer : le travail du marbre. La forge est convertie en polissoir en 1866, son bâtiment annexe est transformé en maison. Quatre ans plus tard, au polissoir s'adjoint une scierie de marbre. L'activité du polissoir s'arrête en 1891, la scierie continue à fonctionner, probablement jusqu'en 1914. De toute façon, le cadastre constate en 1931, que l'ancienne forge est tombée en ruines. La rénovation de l'ensemble date de 1945. Les superbes jardins d'Annevoie attirant toujours plus de visiteurs, il faut créer une infrastructure pour les accueillir. C'est pourquoi, en 1955, l'ancien polissoir est transformé en auberge et en rôtisserie, tandis que le bâtiment-annexe devient un centre d'accueil. En 1994, il en est toujours ainsi. Le restaurant a pour nom " Le relais des Jardins ". Sa terrasse borde l'ancien by de la forge. A son extrémité de droite, on peut encore apercevoir la vanne par où l'eau s'écoulait pour activer la forge et par après la scierie de marbre.
Carte-vue Nels de 1903 montrant l’emplacement de la Neuve Forge, à l’époque transformée en scierie de marbre. A l’avant-plan, le bief du moulin Debras, autrefois bief de la Forge Aminte. A l’arrière, la scierie de marbre. Ces bâtiments sont actuellement occupés par le centre d’accueil des jardins et un restaurant.
Panorama de Rouillon depuis la Meuse
Panorama de Rouillon depuis la Meuse
Château d’Annevoie
Le château de Rouillon
Partie 3