Senenne

Moyen-Age

La vaste plaine alluvionnaire d’Anhée fermée vers le sud et le couchant par l’escarpement des bois, possède en son centre une colline où s’est formé un domaine tout chargé d’histoire. Ce domaine, c’est celui de Senenne qui fut pendant des siècles, le siège d’une importante paroisse et cela jusqu’en 1845 et qui céda la place à un château toujours présent aujourd’hui. On ne peut parler de l’église de Senenne sans évoquer d’abord l’abbaye de Floreffe à laquelle la paroisse fut rattachée pendant 600 ans. Alors que Godefroid était comte de Namur vers 1102 à 1139, Norbert, futur fondateur de l’ordre des Prémontrés, passa par Namur alors qu’il revenait de Cologne où il était allé chercher des reliques. Le comte de Namur s’étant entretenu avec Norbert, lui proposa son château de Floreffe pour l’établissement d’une abbaye dont l’acte fondateur fut conclu le 2 septembre 1121. Grâce aux donations faites par le comte de Namur, cette abbaye allait connaître un développement considérable tant sur le plan spirituel que temporel. Durant les deux premiers siècles de son existence, Floreffe allait être mise en possession d’un grand nombre de biens fonciers : terres labourables, bois, de dîmes, de cens et rentes et par la collation de nombreuse paroisses, parmi lesquelles la cure et l’église de Senenne. L’acte le plus important au point de vue de l’histoire de Senenne, intervient en 1160. Henri l’Aveugle, comte de Namur fit don au monastère de Floreffe de Senenne avec ses dépendances. Voici le texte traduit du latin. «Pour assurer le souvenir et le salut de mon âme et de celles de mes parents j’ai libéré de toute main laïque et naturellement de la mienne et de celles de mes descendants, l’église de Senenne, sise dans mon alleu, avec toutes ses dépendances et tout ce qui lui revient par droit de prêtrise, et je l’ai passée en possession légitime et perpétuelle à l’église de Floreffe». Il est donc précisé ici que l’église de Senenne se trouve dans l’alleu du comte c.à.d. dans un bien qui lui est propre. Cet acte est essentiel car, à partir de ce moment et jusqu’au 19e siècle, la cure de senenne sera à la collation de l’abbaye de Floreffe et presque tous les curés en charge de cette paroisse seront de l’ordre des Prémontrés. Avant de poursuivre, il importe de parler des dîmes. Celles-ci étaient des prélèvements propres au fonctionnement des abbayes et des églises au moyen-âge. La dîme du latin» decima» ou dixième partie, était une fraction de la récolte prélevée par les institutions religieuses. Il existait plusieurs espèces de dîmes : la « grosse’ ’était perçue sur les céréales et les grains. La menue dîme était prélevée sur les légumes, les herbages et les produits de la basse-cour : chapons, laine, agneaux, cochons de lait etc. Les dîmes étaient payées en nature dans les mains des bénéficiaires, mais dans les siècles ultérieurs, elles étaient souvent adjugées dans les «passées» de dîmes et payées en espèces. Pour simplifier la question, disons que la grosse dîme prélevée sur les terres d’Anhée et de Senenne bénéficiait à trois décimateurs: le chapitre des chanoines de l’église N D de Huy, le chapitre N D de Namur et l’abbaye de Gembloux. Les décimateurs en échange du bénéfice des dîmes devaient supporter la charge de l’entretien ou de la construction des églises du ressort et pourvoir aux frais du culte. Nous verrons dans la suite qu’ils ne s’acquittaient pas volontiers de cette tâche. La juridiction de l’église de Senenne était dès l’origine très vaste, elle comprenait : Houx, la garnison de la forteresse de Poilvache, Yvoir, Hun, Warnant et Haut- le-Wastia. Cette juridiction ira en s’amenuisant au cours des siècles par la construction d’églises dans des communes. La première amputation eut lieu en 1271 quand Henri III comte de Luxembourg s’adressa à l’évêque de Liège pour demander que la forteresse de Poilvache soit détachée de la paroisse de Senenne. Il fit valoir que la traversée de la Meuse pour venir à Senenne, était dangereuse. Il obtint satisfaction, une chapelle avec fonds baptismaux  fut érigée à Poilvache. En compensation, la menue dîme d’Yvoir fut attribuée au curé de Senenne. Maintenant remontons les siècles en signalant les événements dont l’écho est venu jusqu’à nous. Dans nos contrées, le 14e siècle et le début du 15e furent troublés par les luttes entre la principauté de Liège et le comté de Namur. En 1321, le siège est mis devant Poilvache qui est prise. La campagne militaire s’accompagna de pillages dont Senenne fut victime. En 1430, Poilvache fut de nouveau assiégée. Galliot historien du Comté de Namur, rapporte qu’un boulet de canon ayant atteint le mur du seul puits de la forteresse, celle-ci fut prise et détruite. La guerre reprend en 1465. Les Dinantais ayant mis au pillage et incendié l’abbaye de Moulins, à l’exception de l’église, ont en chemin brûlé Grange, Senenne, Anhée, en emportant le bétail. Ceci est rapporté dans le cartulaire de la ville. On trouve un reflet de ces tragiques événements dans les comptes du bailliage de Bouvignes pour les années 1465- 1466- 1467. A Anhée, aucune chose n’y a été charruée ni labourée parce que les dits de Dinant ont tout ars et brûlé. Les terres son demeurées en friche depuis l’an 1465 jusqu’à 1467. On doit en conclure qu’au sortir des guerres entre Dinant et Bouvignes, le village d’Anhée, Senenne compris a été amplement sinistré : maisons incendiées, terres demeurées en friches, une désolation totale.   

Synthèse de l’histoire de Senenne (Anhée).

Du 16ème au 17ème siècle

Au 16e siècle, sur le plan ecclésial, un nouveau démembrement va concerner Senenne, par l’érection d’une chapelle à Yvoir en 1556 . De tout temps, Yvoir fut partie intégrante de la paroisse de Senenne. En 1556, l’évêque de Liège accorda aux habitants d’ériger une chapelle à leurs frais et la fit dépendre de Senenne. Il leur permit’ «d’y faire célébrer tous les offices divins par un prêtre séculier de leur choix, d’en recevoir les sacrements de pénitence et d’eucharistie, d’en attendre l’extrême onction et d’y faire baptiser leurs enfants». Les habitants tentèrent d’affranchir leur chapelle de la tutelle de Senenne, d’obtenir un vicaire résident, disposant  pour sa subsistance de la menue dîme d’Yvoir. Cela leur fut toujours refusé. En 1787, le curé de Senenne Louis Bauchau, déclarera qu’un de ses vicaires réside à Yvoir « hameau dépendant de Senenne «. Le diocèse de Namur est érigé en 1561, ce qui modifie la dépendance hiérarchique de Senenne qui quitte le diocèse de Liège et le doyenné de Florennes pour celui de Bouvignes. Le 17e siècle sera marqué pour nos régions par les luttes de rivalité entre la France , d’une part , l’Autriche et l’Espagne de l’autre. De 1635 à 1653, l’Entre- Sambre et Meuse est victime de la guerre qui oppose la France à l’Espagne. De nouveau des troupes de nationalités diverses harcèlent nos contrées, vivent sur l’habitant, pillent les denrées et le bétail, lèvent des contributions de guerre. Les campagnes sont ravagées et les terres restent en friche. Sous Louis XIV, les Français envahissent nos provinces à plusieurs reprises  le bailliage de Bouvignes est occupé de 1683 à 1698, l’abbaye de Floreffe est dévastée en1684, le siège de Namur mené en 1692.Comme chaque fois en pareilles circonstances, les passages de troupes s’accompagnent de réquisitions en vivres, fourrages, charriots et attelages qui épuisent les campagnes. Les fermiers abandonnent leurs terres qui ne sont plus cultivées. Dans la chronique de ces temps, Anhée et Senenne ne sont pas cités en particulier, mais il n’est pas possible de penser qu’ils échappèrent au sort commun de nos régions. Pour le XVIIe siècle, peu nombreux sont les documents conservés dans les archives et qui concernent Senenne. Cependant, il en est un d’une importance primordiale pour nous faire connaître comment se présentait alors une paroisse rurale; c’est le rapport de visite faite le 22 mai 1662 par un envoyé de l’évêque de Namur . Ce document traduit du latin est éclairant, non seulement sur ce qu’était l’église de Senenne, mais aussi sur le fonctionnement de la paroisse. L’église d’abord. Il est curieux qu’elle soit qualifiée de coquette alors que son état laisse à désirer : la tour est percée et la pluie y pénètre, pourrissant les boiseries intérieures. Les murs du cimetière entourant l’église dans sa partie est, sont en ruine. Pour le détail, il n’y a pas de clé à la porte du baptistère, pas de processionnal, un seul ornement d’autel, le tabernacle est en bois et se trouve au milieu d’un autel peu solide. Il n’y a pas d’archives. Seul luxe de ce lieu de culte, un ciboire en argent et en cuivre. Enfin, il y a deux cloches, l’une à charge de la grosse dîme, l’autre à celle des paroissiens. Le curé s’appelle Louis Materne, chanoine de Floreffe et est aidé par deux séminaristes. Le marguillier, comme cela est de coutume à l’époque, est aussi maître d’école. Que pouvait-il bien enseigner sinon quelques rudiments de lecture, d’écriture et de calcul, et cela aux seuls enfants que les parents envoient à cette sorte d’école. Pour les inciter à le faire, le visiteur épiscopal propose de ne distribuer le bien des pauvres fondé par les habitants d’Anhée,  qu’aux seuls parents qui envoient leurs enfants à l’école. Certes, le marguillier n’est pas riche, il ne dispose que du revenu d’un demi-bonnier de terre, c’est-à-dire moins d’un demi-hectare et de quelques «à-côtés». Un passage très intéressant est consacré aux chapelles existant sur le territoire de la paroisse : elles sont au nombre de cinq : Anhée, Yvoir, Houx, Hun et Hontoir, les deux dernières étant des chapelles castrales. La chapelle d’Anhée présente pour nous, un intérêt tout particulier. Elle relevait non point de la paroisse de Senenne  mais de l’abbaye cistercienne de Moulins, qui en 1494, s’était engagée à la restaurer. Même à cette époque, personne n’en connaissait l’origine, preuve qu’elle était ancienne. En 1603, moyennant cession d’un droit de pâturage appartenant aux habitants d’Anhée, l’abbaye de Moulins s’était engagée à dire une messe tous les vendredis dans la chapelle d’Anhée, ce à quoi fait allusion le rapport de visite. Il y est aussi question du culte de Saint Stamp attesté dans notre commune depuis 1662. Le rapport de visite confirme ce que nous savions déjà : les décimateurs sont le chapitre N D de Huy, celui de Namur et le monastère de Gembloux. On nous le précise : ce sont de mauvais payeurs, entendons par là qu’ils ne s’acquittent pas volontiers de leur obligation qui était de veiller à l’entretien de l’église. En effet, le rapport se termine en rappelant que la tour est percée et que la pluie s’y insinue.
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