18ème siècle

Le 18e siècle nous éclaire davantage sur le fonctionnement de la paroisse de Senenne. Les visites canoniques des 9 septembre 1707 et 27 avril 1716 apportent leur lot se renseignements. Le rapport de la première visite nous apprend que le curé Deschamps, religieux de Floreffe, est scrupuleux en ses mœurs et fonctions. Par contre, l’état de l’église est loin d’être parfait :le toit laisse filtrer la pluie au-dessus de l’autel, la grande porte est mal en point. Quant aux objets sacramentaux, ils laissent à désirer : le calice est presque hors d’usage, les livres sacrés sont déchirés et ne peuvent plus guère servir. Il manque du linge d’autel. Toutes les réparations à faire et les objets à compléter sont du ressort de la grosse dîme. Ces déficiences nous rappellent celles qui ont déjà été signalées dans le rapport de visite de 1662 dans lequel les décimateurs sont qualifiés de «mauvais payeurs». Rien n’a donc changé. A propos du marguillier, un fait important est signalé. La «marguillerie» est aux mains du prêtre Allard, qui a chargé quelqu’un d’autre de faire l’école à Anhée. Le curé se plaint que ce prêtre soit trop éloigné de l’église paroissiale et demande que lui soit construite une maison de marguillier près de l’église. De ceci, nous conclurons, qu’à Senenne en1707, il n’y a pas de maison de marguillier où faire la classe. Le rapport épiscopal indique que la maison sera construite à la fin de la guerre de succession d’Espagne qui, oppose une coalition à Louis XIV, dont les troupes occupent notre région. La visite de 1716 relève également des déficiences, tant pour l’église que pour les objets du culte :le pavement de l’église est à réparer, il faut de nouvelles portes. Sont à fournir un graduel, un antiphonaire, une chasuble, un antipendium (ornement d’autel), une cuve pour l’eau bénite et un goupillon. Le rapport traite aussi de l’école. « Comme nous avons appris qu’il n’y a pas d’école dans cette paroisse éparpillée, au grand dam d’une nombreuse jeunesse, nous avons mandé à tous les habitants qu’ils fassent le nécessaire pour en construire une au plus tôt, selon les statuts de notre diocèse». La table des pauvres dispose de 16 muids d’épeautre, mais qui n’ont plus été payés depuis trois ans. De ces rapports, il faut conclure qu’au début du XVIIIe siècle, l’état des cures paroissiales rurales était loin d’être enviable. C’est le mot pauvreté qui convient le mieux. Au XVIIIe siècle, le pouvoir impérial eut de plus en plus tendance à grouper des portions de territoire pour les constituer en seigneuries qui étaient vendues définitivement ou en « engagère », c’est-à-dire avec faculté de rachat, à des notables ayant la possibilité de payer des montants élevés. C’est ainsi que le 1 juillet 1755, l’impératrice d’Autriche Marie-Thérèse, constitue Anhée, Grange et Senenne en seigneurie hautaine qui fut engagée à Nicolas de Montpellier pour 2800 florins. Un cerclemenage ou bornage eut lieu pour délimiter la seigneurie et des bornes furent plantées. La description de ce bornage correspond aux limites de la commune d’Anhée avant la 1e fusion. Le bornage terminé, le nouveau seigneur fut reconnu par les habitants réunis en l’église de Senenne. Le 10 mai 1767, la seigneurie fut acquise à Barthelemy Dautrebande, maître de forges  à la Roche à Moulin. Sa veuve fit relief de la seigneurie en 1771. La révolution française allait abolir les institutions de l’Ancien Régime et la notion même de seigneurie. C’est vers 1758, que les habitants de Warnant commencent une longue action en vue d’obtenir des décimateurs, la construction d’une église à Warnant à laquelle serait attaché un vicaire. Cette année-là, ils adressent une requête à l’évêque de Namur qui approuve le projet auquel les décimateurs font obstacle parce qu’ils devraient supporter le coût de la construction. En 1760, au cours d’une assemblée tenue à Warnant, les habitants décident de faire des représentations auprès des décimateurs par la voie de procureurs ( avocats ). En 1762, n’obtenant pas gain de cause, les procureurs se tournent vers l’autorité du gouverneur et du conseil provincial de S.M. Impériale .Remarquons que l’abbé de Floreffe était favorable à l’initiative des Warnantais.  Leur action va aboutir en 1764, on leur construit une chapelle qui reste sous la dépendance du curé de Senenne, lequel détache un vicaire pour la célébration des offices. Les Warnantais ne s’en tiennent pas là, ils reviennent à la charge, à partir de 1770, pour avoir un vicaire résident au lieu. A la longue, ils obtiendront que le vicaire de Senenne, Louis Pétré prenne résidence, à partir de 1784  à la papeterie de l’abbaye de Moulin, en attendant qu’on lui construise une maison vicariale à Warnant. Celle-ci ne sera jamais réalisée avant la période  révolutionnaire, les décimateurs qui devaient financer le projet mettant trop d’obstacles à sa concrétisation. Revenons à la paroisse de Senenne. Le 27 juin 1786, Louis Bauchau est désigné comme curé de Senenne. C’est de lui que nous viennent les archives le plus nombreuses, les plus éclairantes. D’autre part, c’est lui qui vivra la période révolutionnaire et connaîtra le destin le plus agité.   Dans un premier document incomplet qui semble être un début de description  de la paroisse, on lit que la cure est assez isolée, ne comportant que la maison pastorale et celle du marguillier, que la paroisse comprend plusieurs hameaux : Anhée, Houx, Yvoir, Hun, Haut-le Wastia, Warnant et sept censes (fermes) dispersées. Le curé Bauchau note encore un détail intéressant ; le hameau d’Anhée est assez ramassé, lorsque la Meuse déborde, plus des deux tiers des maisons sont menacées par l’inondation, si bien que ses habitants sont obligés de venir se réfugier à Senenne. A l’époque, les maisons d’Anhée se trouvaient presque toutes rassemblées le long de la rue qui s’est longtemps appelée la rue du village. A la grand’route Namur -Dinant, on ne trouvait que quatre maisons, toutes situées à gauche de la route dans le sens Namur-Dinant. Le document le plus intéressant et le plus significatif, pour nous éclairer sur ce qu’était la paroisse de Senenne à l’époque, est, sans conteste, l’état que le curé Bauchau dut établir en 1787 pour répondre à une prescription impériale. Il nous présente un aspect complet des revenus de la cure et de son fonctionnement. En voici une analyse : Il débute par ce que le curé appelle «les possessions en grosse et menue dîme «. Le total des dîmes se monte à 1008 florins, en ce compris les revenus tirés du douaire lui-même, composé de terres labourables, de prairies, d’une houblonnière et d’un petit bois de deux bonniers. La seconde source de revenus est l’obituaire. La cure doit «décharger» annuellement 32 obits, 3 offices des morts et recommander chaque dimanche 21 personnes, sur les fondations de son obituaire qui rapporte 116 mesures d’épeautre à la racle, hypothéquées sur des biens disséminés dans toute la paroisse. Le même obituaire rapporte encore 30 florins en argent, affectés sur des maisons» mais mal payés» par les personnes qui les doivent. Voici enfin le casuel, c’est-à-dire, les montants que les fidèles doivent pour les offices célébrés en certaines circonstances. De la sorte, pour la paroisse de Senenne, il y a en moyenne 15 baptêmes, 12 enterrements, 4 mariages, 25 messes célébrées à la demande de personnes pieuses. Si à ces rétributions on ajoute le «pourchat», c’est-à-dire la quête, on obtient 55 florins. Le revenu total annuel du curé de Senenne est ainsi évalué à 1363 florins. La seconde partie de la déclaration énumère les dépenses. Le curé doit pourvoir aux besoins de ses vicaires à Yvoir et Warnant :à chacun, il paie 200 florins et en plus, au vicaire d’Yvoir un logement: d’oú un total de 456 florins. Le marguillier de Senenne est aussi à rétribuer : il bénéficie d’une maison et d’un jardin, reçoit 6 écus sur l’obituaire et 4 écus pour le service de l’église, cela fait environ 30 florins. La cure de Senenne se présente comme une petite exploitation agricole apte à faire face à ses besoins alimentaires, en possédant une basse-cour et des vaches  pour le laitage et l’engrais. L’exploitation nécessite l’engagement d’un domestique et de deux servantes sans oublier « deux forts chiens» pour la garde, d’où un coût de 486 florins. L’église paroissiale n’ayant pas de fabrique, donc pas de revenus propres, les décimateurs ne fournissant que le strict nécessaire, le curé doit suppléer de ses propres deniers, non seulement pour les hosties, le vin et le luminaire, mais encore pour l’entretien de l’édifice et des ornements sacrés. Ayant trouvé l’église très mal en ordre à son arrivée, le curé Bauchau l’a fait nettoyer, a fait raccommoder des chasubles et des ornements, a acheté un surplis et une aube. Il a pris d’autre part une initiative inattendue de la part d’un curé de l’Ancien Régime. Afin d’inciter les jeunes à fréquenter les séances d’instruction religieuse, et l’école de Senenne, il s’est engagé à leur fournir à Pâques des livres, du linge et des vêtements. Cela a coûté au curé 42 florins, mais il se félicite du succès obtenu « sa paroisse est bien plus fréquentée ». Reste encore l’épineuse question de l’entretien de l’église et des bâtiments de la cure. Pour la réparation des toits de l’église, un ardoisier est engagé depuis plusieurs années. Les décimateurs n’intervenant que pour trois écus, le curé Bauchau supplée pour la même somme, il nourrit l’ardoisier. Depuis son arrivée à la cure , en juillet 1786, Louis Bauchau a payé au moins 300 florins d’entretien de bâtiments, en faisant travailler tous les corps de métier : menuisier, charpentier, ferronnier, maçon et plafonneur. La balance des recettes et des dépenses lui laisse un boni annuel de 400 florins. C’était une obligation des curés de l’époque de tenir des registres paroissiaux où s’inscrivent les naissances, les mariages et les décès. Cela tenait lieu de registres de la population. Aux Archives de l’Etat à Namur, sont conservés les registres de la cure de Senenne allant de 1580 à 1761. Ce n’est qu’après l’incorporation des Pays-Bas autrichiens dans la République française que les actes de l’état civil seront tenus ,à partir de 1796, par les autorités communales dans des formes bien prescrites. En 1790, nos régions connaissent une révolte contre le gouvernement autrichien, appelé révolution brabançonne qui dans un premier temps avait refoulé les Autrichiens et occupé la rive gauche de la Meuse. Un hôpital avait été créé dans l’abbaye de Moulin. Dans les registres paroissiaux de Senenne, nous trouvons l’écho de ces faits, entre autres de la dernière bataille. «Le 22 septembre1790 sont morts au champ de bataille de Falmagne, après un courageux combat, pour la foi et la patrie, 20 hommes de nos milices patriotiques. Ramenés de là, à l’hôpital de Moulin le 23 septembre, leurs corps ont été inhumés. Parmi ces 20 soldats, six ont été identifiés par leurs compagnons d’armes : suivent alors leurs six noms. Ainsi donc, cette guerre eut aussi ses morts inconnus. Il y eut au total plus de 70 soldats décédés à l’hôpital de Moulin et sans doute inhumés dans le cimetière de l’abbaye. La bataille de Falmagne fut décisive, elle constitue le prélude à la retraite de l’armée belgique et à la fin de la campagne. Dans les années à venir, la Révolution française allait s’étendre à nos régions. .Pour la paroisse de Senenne, le temps des épreuves allait commencer. Si la révolution a éclaté en France en juillet 1789 et y a immédiatement produit de profonds effets, pour notre pays qui formait alors les Pays-Bas autrichiens, il faudra attendre 1792 pour voir cette révolution atteindre nos régions. Le 20 avril 1792, l’Assemblée législative à Paris déclare la guerre à l’Autriche. Quelques jours plus tard, des avant-gardes françaises s’avancent vers Dinant et Bouvignes. La présence de ces troupes sera éphémère; l’armée qui fait retraite sur la forteresse de Givet, est remplacée dans nos régions par un corps d’émigrés. Néanmoins par des sorties répétées, le corps de troupes de Givet fait régner l’insécurité chez nous. Le 06 novembre 1792, le général français Dumouriez, ayant repris l’offensive, remporte la victoire de Jemappes, tandis que l’armée des Ardennes partant de Givet , pousse vers le nord. Trois cents hommes de cavalerie suivis de troupes d’infanterie, pénètrent dans Dinant et Bouvignes, puis s’avancent vers Namur qui tombe le 02 décembre. Dans son journal, à la date du 06 novembre, le baron de Stassart écrit que» des réquisitions ont été opérées à Onhaye et à Bouvignes» et» qu’il y a du monde du côté d’ Anhée «. Durant l’hiver, l’ordre républicain est établi et les réquisitions se font plus lourdes, l’armée d’occupation vivant sur le pays. Le 18 mars 1793, la défaite de Dumouriez à Neerwinden, ramène chez nous le régime autrichien. La présence autrichienne ne sera pas longue. Au printemps de 1794, l’offensive française reprend. Dinant est occupé le 29 mai 1794. La victoire du 26 juin 1794 à Fleurus rétablit définitivement  le régime français dans les Pays-Bas autrichiens. Des vagues de réquisitions s’abattent sur le pays, les représentants auprès des armées enlevant dans les territoires envahis, tout ce qui convient pour soutenir l’effort de guerre : denrées, vivres, objets métalliques, combustibles. La disette s’installe au point que la situation deviendra critique durant l’hiver 1794-1795. Pour caractériser cette époque , citons quelques documents conservés aux archives de l’Etat à Namur. Delecollle, maire de Givet et commissaire aux armées, qui pressure sans vergogne nos régions et fut qualifié de « sans culotte forcené» adresse un ordre de réquisition à la commune d’Anhée « A fournir ,sous 24 heures, au quartier général de Dinant, le sixième des bestiaux en chevaux, bœufs, vaches et moutons de ladite commune et de la meilleure qualité, excepté les génisses et les poulains, le tout sous peine d’exécution militaire.» ce billet est de 1794, mais non daté autrement. Le 26 messidor an 2 (15 juillet 1794) Delecolle dirige son zèle vers d’autres cibles : il requiert les mayeur et échevins d’Anhée d’apporter sur le champ à la maison du commissaire (Delecolle lui-même ) les baux des fermiers tenant d’un bien ecclésiastique, soit  de couvents, soit d’émigrés. Ils donneront en outre un aperçu de tous les revenus des biens ecclésiastiques en général et de tous ceux des émigrés. Delecolle les prévient :   «S’ils ne font pas les déclarations requises, ils seront regardés comme suspects et ennemis de la chose publique et punis selon l’exigence de la loi». Un reflet des événements de 1794 apparaît également dans les registres paroissiaux de Senenne. A la date du 04 juillet, le curé écrit: «L’église et la cure de Senenne étant dévastés, la cure doit se tenir à Moulin pendant six mois». Les troupes républicaines étaient passées par là. Le 01 octobre 1795, les Pays-Bas sont rattachés à la République française. Anhée fait partie du département de Sambre-et-Meuse. En juin 1796, sur ordre du Directoire de Paris, a lieu le transfert aux municipalités des registre paroissiaux tenus jusque-là par les curés en vertu de leur charge. Le 21 novembre 1796, les registres de Senenne  sont clôturés par l’inscription ci-après:   «Le présent arrêté par moi président de l’administration municipale du canton de Bouvignes, le premier frimaire an cinq de la République» signé Tassin. Il s’agit du négociant Nicolas Tassin, tôt rallié aux idées républicaines à qui les autorités ont confié la fonction de président du canton de Bouvignes et qui deviendra plus tard juge d’instruction. Progressivement la politique antireligieuse du Directoire va se mettre en place et le curé de Senenne va entrer dans la zone des turbulences. Une requête de Louis Bauchau, du 24 juillet 1796, résume ce qu’il a dû subir depuis que les Français ont occupé nos régions. En septembre 1794, le curé a été pillée de fond en comble par les troupes républicaines, perte évaluée à 2800 florins comme l’ont constaté l’agent national et son adjoint.. En septembre 1794, le curé a payé à titre de contribution militaire, 650 florins. Des soldats de passage, par leurs réquisitions et exactions, lui ont fait perdre encore 1000 autres florins. Enfin en 1796, il a été soumis à l’impôt forcé : 1000 livres lui ont été réclamées sur lesquelles il n’a pu en payer que 500. Dans une pétition des 18 floréals an 4 (8 mai 1796)  il a demandé à l’administration municipale du canton de Bouvignes, un allègement à  l’impôt forcé, ce qui lui a été refusé. Il s’adresse donc à l’administration centrale du département de Sambre-et-Meuse pour faire constater son impossibilité de payer: en effet, ses ressources antérieures étaient fournies par les dîmes , actuellement supprimées. La situation financière du curé Louis Bauchau est donc préoccupante, il ne lui reste que 155 florins pour toute ressource. Avec cela, comment payer les 500 livres restantes ? Les archives sont muettes  sur la suite que l’administration a réservée à cette requête.  Pour faire face à la contribution militaire de 1794; le curé de Senenne a dû aliéner des biens fonciers. Il a comparu le 2 septembre 1794 devant le notaire Binamé et lui a déclaré que pour satisfaire à cette contribution, il a vendu, avec l’autorisation de ses supérieurs ecclésiastiques : 1°. Un verger près du presbytère dit « verger d’en haut». 2° .Une terre dite « le petit bonnier» situé dans la campagne de Grange enclavé dans les terres de Madame Dautrebande. Le tout a été vendu au marguillier Boseret pour 560 florins. Les épreuves du curé Bauchau ne faisaient cependant que commencer. Le 1 Septembre 1796, une loi supprime les ordres religieux, leurs biens sont nationalisés et vont être vendus aux enchères. Louis Bauchau, religieux de Floreffe, assiste à la fin de son abbaye et à la dispersion de ses confrères. Plus près de chez nous, les biens de l’abbaye de Moulin, supprimée cependant depuis 1787 par Joseph II,empereur d’ Autriche, et gérée depuis lors par un administrateur civil, sont dispersés aux enchères, en vertu de la loi du 16 brumaire an 5 (7 novembre 1797 ). Le 28 pluviose an 5 (16 février 1797), sont acquis par un certain Rousseau, négociant à Charleville : la grande ferme de l’abbaye de Moulin avec toutes les terres labourables dans la campagne d’Anhée, la petite ferme de Moulin et l’abbaye elle-même qui sera transformée en château. Les autres biens suivront: la ferme d’Anhée (à l’angle des actuelles rues du Bon Dieu et Petit, avec sa quarantaine d’hectares, est vendue le 9 thermidor an 5 (28 juillet 1797) à Jeanne Marsigny, ex-religieuse des Sœurs grises à Dinant.  Le 18 fructidor an 5 (4 septembre 1797) a lieu à Paris un coup d’état. Les trois directeurs appuyés par l’armée, expulsent d’autorité les parlementaires de tendance royaliste et obligent le corps législatif à voter des dispositions très dures pour l’Eglise catholique et les émigrés..  Dans chaque canton, l’assemblée municipale est contrainte d’imposer à tout le clergé, les serments d’attachement et de fidélité à la République, ainsi qu’à la constitution de l’an 3, puis plus tard  le serment de haine à la royauté. Pour les ecclésiastiques qui ne prêteront pas le serment, des dispositions légales seront bientôt prises.                                                                                                                                                                                                                                                                                            L’arrêté précise: «Le Directoire exécutif, sur rapport du ministre des finances, arrête que les biens, maisons presbytérales et églises des cures non desservies dans les neuf départements et celles où le culte sera excréé par des ecclésiastiques qui n’auront pas fait le serment exigé en dernier lieu par la loi, seront séquestrés et mis sous la main de la nation pour être régis et administrés comme les autres biens nationaux jusqu’à ce qu’il en soit autrement ordonné.» Dans le canton de Bouvignes, les choses ne traînent pas. Le 2 décembre 1797, « le tableau des prêtres qui ont refusé de faire la soumission aux lois» est expédié à l’administration du département. Le curé de Bouvignes et ses trois vicaires, les curés d’Anhée, Rivière, Falaen, Waulsort, Blaimont, Anthée, Seville, Gérin, Onhaye, Weillen et Warnant, tous ont refusé le serment. Pour Anhée on peut lire : Louis Bauchau, curé : une église, une maison, 8 bonniers 2 journaux, 20 verges de terres, jardins etc». C’est vers cette époque que le curé de Senenne a dû suspendre ses activités et quitter son presbytère, géré ensuite comme bien national. Le 4 avril 1798, la cure est louée au citoyen Boseret, marguillier à Senenne, ce qui donne lieu à un inventaire par un nommé Wauthier, expert du canton. L’état du bâtiment est lamentable : il manque des volets, des portes, les fenêtres son en mauvais état et on compte 62 carreaux cassés.  Les terrains qui font partie du douaire sont affermés au citoyen Cossoux. Cette location ne sera pas longue car bientôt tout va être mis en vente publique. On commence par ce qui doit rapporter le plus gros : le douaire. La première séance d’enchères a lieu le 28 avril 1798, l’adjudication définitive  , le 8 mai. Le procès-verbal d’expertise précise qu’il s’agit de terrains de la cure de Senenne : 5 bonniers et demi de terres labourables et une houblonnière d’environ 1 journal ( 23 ares 50 ). Lesdits biens appartiennent à la république française comme provenant de la ci-devant cure de Senenne, le tout affermé au citoyen Cossoux par bail qui expirera en février 1801. La mise à prix est de 2400 livres. Au sixième feu, le bien est adjugé à Simon Marsigny, avocat à Dinant, pour 40.300 livres. A Senenne, il restait à vendre la cure elle-même avec son jardin. Le procès-verbal est mis en possession de l’administration cantonale de Bouvignes pour le 1 décembre 1798. Ce n’est pas assez, car l’administration exige en outre que la maison du marguillier y soit jointe. En fait, cette maison ne fera pas partie de la vente comme étant le siège de l’école. Il fallut trois séances pour que la cure soit vendue: partant d’une enchère de 22.000 fr montant qui fut jugé insuffisant par l’administration, à la dernière séance des enchères, le prix s’éleva jusqu’à 52.000 fr, chaque fois, Joseph Bauchau, marchand tanneur à Namur, proposa l’offre la plus élevée. Comment expliquer cet acharnement pour un bien qui n’avait rien d’exceptionnel, autrement que par la volonté arrêtée de l’acheteur d’acquérir ce qui avait été la cure occupée par son frère, Louis Bauchau. La suite le prouvera, puisqu’en 1818, le bien fut rendu gratuitement au conseil de fabrique de l’église.  Joseph Bauchau n'aura pas l'occasion de faire lui-même la rétrocession du bien, On lit dans le registre paroissial de Senenne, écrit de la main de Louis Bauchau : « Le 9-12-1799, décès à Namur de Jean-François Joseph Bauchau, marchand tanneur à Namur, maître de forges à Moulins, 59 ans, enterré à 7 heures du soir le 10 dans le cimetière de Senenne, derrière la sacristie, à côté du chœur où il avait choisi sa sépulture ». Après la désaffectation du cimetière de Senenne, ses cendres furent ramenées dans celui d'Anhée, Actuellement, dans le transept gauche de l'église, on peut voir sa pierre tombale, Sous son nom, une inscription « Bienfaiteur de la paroisse », Nous savons pour quoi. Après la vente des cures et de leurs biens, les autorités républicaines envisagent d'aller plus loin en vendant les églises, Dans le canton de Bouvignes, l'ordre de les expertiser est donné, La vente n'aura jamais lieu, le 9 novembre 1799, Bonaparte met fin au Directoire, institue le consulat dont la politique, en matière religieuse, vise à l'apaisement, Le Concordat de 1801 restaure le culte catholique sur de nouvelles bases, Le curé Bauchau meurt le 13 février 1801 après avoir vécu la période révolutionnaire et avoir supporté tant d'épreuves, Le curé André, également religieux de Floreffe reprend la succession et rétablit à Senenne un culte suspendu depuis 3 ans.

19ème et 20ème siècles

Avec l'instauration de l'empire, bientôt va commencer la grande remise en ordre napoléonienne, des circonscriptions ecclésiastiques, Après plusieurs propositions, les nouvelles démarcations deviennent définitives par le décret impérial de 28 août 1808, La paroisse de Senenne comprend désormais les villages d'Anhée et de Haut-le-Wastia, les hameaux de Senenne et de Moulins, Ce dernier, bien que faisant administrativement partie  de Warnant , restera définitivement sous la juridiction du curé de Senenne puis à partir de 1845, du curé d'Anhée, Quant à la paroisse de Warnant, elle devient une annexe de celle de Bioul, Ainsi la paroisse de Senenne, si étendue sous l'Ancien Régime, est pratiquement réduite à deux villages et dans la suite à un seul lorsque Haut-le-Wastia ayant son église et son prêtre, sera détaché de la paroisse, Le 2 novembre 1818, intervient un acte important pour la paroisse, la donation au profit du conseil de fabrique, de la maison presbytérale avec jardin et verger, Le donateur en est Auguste Bauchau, maître de forges, domicilié au château de Hun, Il est fils de Joseph Bauchau qui avait racheté la cure de Senenne lors de sa mise en vente en 1799, comme bien nationalisé, En 1841, débute la phase finale de la cure de Senenne, Le conseil communal d'Anhée à l’ intention de faire construire une église et un presbytère à Anhée pour autant que le conseil de fabrique consente à vendre sa propriété de Senenne et en affecte le montant à la construction, La députation provinciale donne son accord au projet mais souhaite  que l'église de Senenne soit conservée comme monument ancien. Le conseil de fabrique répond que le bâtiment n'est pas un monument remarquable et que sa conservation serait une trop lourde charge financière, Et c'est pourquoi un monument du XIIe siècle fut sacrifié pour des impératifs budgétaires.       , Les biens de Senenne sont donc mis en vente en deux lots, Le premier comprend la cure proprement dite, l'église, la maison presbytérale, les bâtiments de la ferme, le terrain, le tout formant un ensemble de1ha32, Le deuxième lot est la maison du marguillier et son jardin, A la vente du 26 novembre 1844, les deux lots sont achetés par Madame Veuve Bauchau pour 15,225 francs, En bref, disons ce qu'il est advenu de l'église et de la cure de Senenne, Dès 1846, la maison presbytérale est agrandie et améliorée, à côté d'elle se construit un château achevé en 1857, Il sera occupé par Amand Bauchau, père de 11 enfants, dont le dernier, Xavier, sera bourgmestre d'Anhée pendant 32 ans, L'église désaffectée est conservée pendant des années , servant de bâtiment rural ou de grange, Ses vestiges sont démolis en 1885 pour laisser place à une extension du parc, Toutefois, les pierres tombales et votives qui garnissaient l'église sont retirées et maçonnées principalement dans le mur entourant la propriété, Beaucoup de pierres votives portent les lettres  F H L P S (Floreffiae, honor, laus per saecula )  Honneur et louange à Floreffe à travers les siècles. Cela rappelle l'abbaye de Floreffe qui fournit à Senenne, les prêtres desservants pendant plus de 600 ans, l'abbaye de Floreffe dont la devise aux allitérations voulues avait illustré le destin, FLORIDA  FLORENTE  FLORET  FLOREFFIA  FLORE (La florissante Floreffe fleurit telle une fleur épanouie) Le château de Senenne construit en 1857, était donc la résidence d'Amand Bauchau, A son décès en 1882, le domaine est mis en vente par licitation entre héritiers majeurs et mineurs. Ce sont des membres de la Famille Dumont qui acquièrent le domaine de l'ancienne cure et le château. Vers 1895, le château devient un hôtel de luxe, géré par les demoiselles Parent. Dans les éditions  de 1896 et 1897 du «Guide du touriste et du cycliste» paraît une publicité pour cet hôtel, On y vante les mérites du séjour : « Jardin de deux hectares, appartements spacieux, salle de bain, grande véranda couverte, lawn-tennis etc.». Il semble que le château de Senenne ait gardé sa vocation hôtelière jusqu'au début des années 1900.                             Le château est ensuite occupé par Mr de Lhonneux qui attendait que son château de Champalle soit bâti. En octobre 1905, le domaine de Senenne est acquis par le Chevalier Alphonse de Wouters de Bouchout, Avant 1914, le château de Senenne présentait un aspect différent de ce qu'il est aujourd'hui, il comportait deux étages et sur son côté s'élevait ce que la famille appelait le «prieuré», c'est-à-dire l'ancienne maison du curé restructurée et précédée en façade d'une véranda largement vitrée . Au cours des hostilités d'août 1914, des obus allemands endommagèrent aussi bien le château que le pieuré au point de les rendre inhabitables. La famille de Wouters dut chercher refuge à Anhée, chaussée de Dinant dans «la villa des houx «. Le prieuré ne fut jamais reconstruit, quant au château, il fut restauré, L'entre-deux-guerres vit s'affirmer la vocation agricole de Senenne. En 1929, Alphonse de Wouters agrandit son domaine par l'achat  de la ferme de Grange, dite «Grande cense» avec ses septante-cinq hectares. En mai 1940, les dangers de la guerre menacent de nouveau Senenne. Dans la nuit du 12 au 13 mai, les Allemands traversent la Meuse sur   l'écluse de Houx et s'infiltrent dans les bois en direction de Grange et de Senenne où, dans le château, se trouve le P.C d'une compagnie du 129e Régiment d'infanterie français. L'attaque que l'on attendait du côté de la Meuse, débouche des bois sur les arrières de la ferme . Vers 6hr30, la fusillade éclate dans le parc, Lorsque le personnel du P. C. veut sortir de la cave par la porte arrière du château, des tirs le surprennent, deux français sont abattus, les Allemands en font sortir une douzaine d'autres de la cave et les font prisonniers. Durant la matinée, la bataille progresse vers le village d'Anhée qui sera occupé vers midi. La bataille du passage de la Meuse ne laissait pas indemne, le domaine de Senenne : impacts d'obus dans la toiture, vitres brisées, mobilier pillé, matériel agricole endommagé. Encore une fois, il fallut panser les plaies et repartir vers l’avant. Arrivé au terme de cette étude, on ne peut que se remémorer les vicissitudes que Senenne a vécues au cours des siècles, Un chroniqueur de l'abbaye de Moulin rapporte que , déjà en 1165, le domaine de Senenne était en ruine. Pendant sa longue existence que n'a-t-il pas subi lorsque les guerres, les pillages, les occupations étrangères, les aliénations sévissaient chez nous ? Néanmoins, sur sa colline, que nous dirions inspirée, le domaine est toujours là, dominant la plaine d'Anhée dont il personnifie la permanence et l'identité,              
Partie 1 Partie 2 Haut de la page

Senenne